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l’action. « J’ai toujours aimé le peuple, disait-il, dans un grand entretien avec son père, et je ne puis penser qu’à le secourir. Mais j’y pense dans le vague, d’une façon tout abstraite. J’étends mon bras devant moi, sans savoir de quel côté je dois le tourner ; et je me désespère à n’étreindre jamais que le vide. » A la fin du roman, l’empereur Oscar était assassiné par un anarchiste, et Ottomar, après avoir un instant voulu renoncer au trône, acceptait, avec une résignation mêlée d’inquiétude, la lourde charge du pouvoir.

Nous le retrouvons, au prologue de la Paix du Monde, se promenant avec son fils, le petit Xaverius, dans le voisinage d’un de ses châteaux. Xaverius est un enfant souffreteux et débile, moins armé encore que son père pour la lutte de la vie ; mais déjà, lui aussi, inquiet, avide de vérité, préoccupé de mille questions au-dessus de son âge. Les médecins lui ont recommandé la marche, et c’est pour le faire marcher qu’Ottomar est sorti avec lui : ce qui ne l’empêche point de le prendre dans ses bras dès qu’il le voit un peu fatigué. Ils vont ainsi, tristement, parmi de radieux paysages, l’âme perdue dans leurs rêveries. Puis ils rentrent au château, et Ottomar remet l’enfant entre les mains de sa mère, la jeune impératrice Valérie, pour aller conférer dans son cabinet avec son chancelier et l’un de ses ministres.

L’idée lui est venue d’organiser dans la capitale de son empire, à Lipara, un congrès international de la paix, où, en présence des délégués de tous les pays de l’Europe, il proposerait lui-même le désarmement général et la constitution d’un tribunal d’arbitrage. Il lui a semblé en effet que la guerre, et l’entretien des armées, qui en est la conséquence, comptaient parmi les sources principales du malheur des hommes : et il s’est dit qu’en prenant personnellement l’initiative de ce congrès de la paix, il aurait chance d’entraîner l’adhésion des autres États. Car l’empire de Lipari est un grand et puissant empire, et ce n’est pas sur le modèle des rois de Hollande, mais plutôt sur celui du tsar ou de l’empereur d’Allemagne, que M. Couperus a conçu l’importance politique de son jeune héros.

Le congrès va donc s’ouvrir, et l’empereur veut en régler d’avance les détails avec ses deux conseillers. L’un d’eux, le chancelier Ezzera, est un politicien de l’ancienne école, fort ennuyé de voir son maître s’engager dans de si étranges aventures. Il l’exhorte du moins ; i ne pas assister en personne à ce congrès, où sa dignité impériale risque de se trouver compromise. Tout au contraire Wlenczi, l’autre ministre, parle avec enthousiasme du projet de congrès. Ayant avant tout pour principe de plaire au souverain, il commence un beau discours sur l’horreur de la guerre, supplie Ottomar de venir lui-même présider les séances, et finit par esquisser tout un vaste plan d’organisation internationale, où le pape aurait le droit de trancher les conflits. Ce rhéteur