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LES REVUES ÉTRANGÈRES

LES REVUES HOLLANDAISES

Deux romanciers : M. Louis Couperus et M. Marcellus Emants.

Avec Mme Lapidoth Swarth, dont j’ai eu déjà l’occasion de parler, M. Louis Couperus est incontestablement, aujourd’hui, le plus remarquable des écrivains hollandais. Il l’est pour ses précieuses qualités naturelles d’observation et de style, la richesse de sa fantaisie, la précision et l’éclat de ses images, mais davantage encore, peut-être, pour ce noble désir de bien faire qui l’a porté à s’essayer tour à tour dans les genres les plus différens, depuis les peintures naturalistes de sa Fatalité et la subtile psychologie de son Eine Vere jusqu’au poème philosophique, où il parait s’être définitivement arrêté. Ses deux derniers livres, Majesté et la Paix du Monde, sont en effet de grands poèmes en prose plutôt que des romans ; ou plutôt le roman et la poésie y sont intimement confondus, un peu comme dans le Triomphe de la Mort et les Vierges aux Rochers de M. d’Annunzio. Et c’est en vérité un spectacle singulier de voir ces deux hommes de races si opposées, ce Napolitain et ce Hollandais, marchant par des voies semblables à la poursuite d’un même idéal. Tous deux, après avoir d’abord suivi l’évolution du roman français, s’efforcent à présent de la dépasser ; et les voici qui essaient, l’un et l’autre, de substituer à la forme accoutumée du roman une forme littéraire nouvelle, plus libre, en quelque sorte, et plus vaste, admettant à la fois plus d’idée et plus de musique.

Mais tandis que, dans l’œuvre entière de M. d’Annunzio, l’amour reste toujours la passion dominante, et comme le centre autour duquel se groupent harmonieusement émotions et pensées, c’est à peine