Les exportations anglaises ont diminué presque de moitié en dix ans. Celles de l’Inde ont passé de 28 millions à 165 millions de livres sterling.
Aussi M. R. Lavollée, qui publie ces chiffres, ajoute-t-il : « Il y a longtemps que l’on a prédit, chez nos voisins comme chez nous, la défaite de l’ouvrier européen par la machine américaine, puis l’écrasement de l’un et de l’autre par les dix doigts agiles de l’ouvrier jaune travaillant pour quelques sapèques et vivant d’une poignée de riz[1]. » M. Norman, dans son tout récent ouvrage déjà cité, trahit les mêmes impressions : « L’habileté de l’ouvrier oriental, sa sobriété extrême, ne font de doute pour personne, ne sont contestées par personne. Entre deux ouvriers également habiles celui qui est le plus sobre est déjà assuré de la supériorité ; il en sera bien plus certain encore s’il se contente d’un salaire très inférieur à celui de son concurrent : or c’est le cas de l’ouvrier jaune par rapport à l’ouvrier blanc. Celui-ci est vaincu d’avance. L’ouvrier jaune tient l’ouvrier blanc à sa merci. Le développement de l’industrie japonaise soulève une question beaucoup plus sérieuse, spécialement pour l’Angleterre, dit M. Norman, qu’on ne le croit généralement. La vérité est que beaucoup de nos manufactures sont évincées des marchés orientaux par les Japonais, et que les observateurs les plus compétens prédisent l’accélération rapide de ce mouvement. »
On s’est beaucoup moqué d’un livre fort indépendant et dont les vues originales, hardies ont fait sensation, mais avant l’heure, le livre de l’Australien Pearson[2]. Il vaut pourtant beaucoup plus que d’autres la peine d’être médité : il nous montre les pays de races blanches envahis ou débordés par les races qu’il qualifie d’inférieures : les Indiens, les nègres, les jaunes ; — il calcule que les blancs ne peuvent vivre dans beaucoup de contrées du globe où les autres races pullulent dans une proportion infiniment plus forte que les blancs ne se multiplient chez eux. Il se demande ce que deviendront les États-Unis le jour où les nègres émancipés et peu travailleurs y seront les plus nombreux et les plus forts, et l’Europe le jour où les races jaunes, munies par elle de tous les instrumens perfectionnés de production, se mettront en marche ; elles y sont déjà, suivant lui.
Je ne crois pas à l’invasion des Chinois, mais, ne nous y trompons pas, l’activité, l’ambition ou simplement le développement numérique des races rivales de la race blanche vont avoir, elles ont déjà de graves conséquences pour l’Europe. Pour ne parler que des Japonais, avant même leur victoire sur les Chinois, ils