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trop comment on pourrait envoyer le petit paquet à son adresse. Ce qui me paraît beaucoup plus facile, c’est d’adresser cela à la Corogne par les bateaux à vapeur de Bayonne, qui font le service des dépêches. Si vous approuvez ce système, veuillez m’en faire part avant le 27 de ce mois. Je pourrai au besoin recommander le livre au consul de France.

La Victoire de Brescia est une Victoire, comme ses ailes le témoignent. La Vénus de Milo est une grande divinité, peut-être une Vénus victorieuse. La Victoire de Brescia est un des plus beaux, sinon le plus beau bronze antique qu’on connaisse, et d’une conservation incroyable. Il n’y a qu’un bout d’aile cassé, encore l’a-t-on retrouvé, mais non ressoudé. Contre l’ordinaire des bronzes antiques, couverts de pièces appliquées au marteau, celui-ci est fondu avec une habileté rare. On l’a trouvé au lieu même où la statue est exposée, dans un temple d’Esculape, avec une inscription au nom de Vespasien. Il y avait autour de la statue, tombée de son piédestal et couverte de cendres, une douzaine de bustes, dont quelques-uns très curieux. On a couvert le temple avec un toit moderne et on en a fait un musée. Les Brescians n’avaient pas voulu laisser mouler leur statue jusqu’à présent. De plus, les Autrichiens avaient voulu l’emporter, mais les Français sont entrés dans la ville avant qu’on eût scié la tige de fer qui maintient la statue sur son socle, en sorte que les barbares n’ont eu que le temps de prendre leurs jambes à leur cou, sans rien emporter. Si j’avais été le général français qui est entré à Brescia, j’aurais laissé emporter la statue, puis je l’aurais reprise, et gardée, bien entendu. C’est déjà beaucoup d’avoir un moule.

Je suis charmé que la marquise de Ganges vous plaise. On dit, à Villeneuve-lès-Avignon, que ce portrait est de Mignard. Je ne le garantirais pas. Il a un peu souffert du soleil. À présent on en a un peu plus de soin. Dans le même couvent, il y a un Couronnement de la Vierge attribué au roi René, selon moi trop beau pour venir d’une main royale. Mon aquarelle est beaucoup trop noire, comme tout ce que je fais, dont j’enrage.

Je voudrais bien ne pas avoir à répondre à une autre partie de votre lettre, parce que nous n’allons plus nous entendre. Il y a deux façons de croire : l’une fondée sur des présomptions contrôlées par une critique raisonnée ; l’autre ne s’appuie que sur un sentiment intime. Produire ce sentiment sans avoir recours à la raison, est une faculté ou un don que tout le monde n’a pas. Je comprends très bien ces paroles : « Cherchez et vous trouverez, » mais je ne les crois pas applicables dans mon cas. Si l’on applique à l’histoire religieuse les règles ordinaires de la critique historique,