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l’empereur déclarait son adhésion pleine et entière au concile de Latran, et sa condamnation formelle des conciliabules arrangés par la France à Tours et à Pise : le bon Maximilien disait son mea culpa en frappant sur la poitrine de son complice d’hier. Mathieu Lang se leva ensuite pour amplifier sur la palinodie de son auguste maître… L’effet fut immense, entraînant : toute l’assemblée entonna le Te Deum, le chant d’allégresse et de victoire… C’était en effet la victoire la plus éclatante que la papauté eût remportée depuis les temps d’Innocent III.

Les stances vaticanes nous présentent jusqu’à trois portraits du pape ligurien, tous exécutés dans les vingt derniers mois de son règne. Dans la fresque des Décrétales, Raphaël a peint Jules II, aussitôt après son retour à Rome, en juillet 1511 ; et l’expression triste et accablée de « l’homme au manteau » nous dit assez que nous sommes au lendemain de la catastrophe de Bologne et du défi outrageant de Pise. La Messe de Bolsène nous fait voir le chef de la Sainte-Ligue encore grave et soucieux, mais déjà supérieur à l’adversité, confiant dans son droit, saluant à genoux un grand miracle qui se passe sous ses yeux ; et ce n’est pas certes sans intention, ni à l’insu du Mécène, que l’artiste a placé derrière le pontife les gardes suisses, ces enfans d’Helvétie qui ont été les vrais sauveurs du Saint-Siège après la bataille de Ravenne : Defensores ecclesiastiæ libertatis, tel est le titre que leur a conféré pour les temps à venir un bref daté du 12 juillet 1512. Enfin la fresque d’Héliodore nous montre le Rovere dans tout l’épanouissement de la force et de la puissance ; il a le regard dominateur et le geste impérieux : on dirait qu’il est porté en triomphe sur sa sedia gestatoria pour le Te Deum de la basilique Saint-Jean. Il a écrasé le schisme de Pise et fait reconnaître son concile ; il a délivré l’Italie et rejeté les « barbares » au-delà des Alpes ; il a recouvré le patrimoine de Saint-Pierre, châtié d’abord et préservé ensuite — percussit ac sanavit — la République de Saint-Marc ; il a rétabli les Médicis à Florence et les Sforza à Milan : il est le « seigneur et maître du jeu de ce monde. »


JULIAN KLACZKO.