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le noble déguisé (col nobile mascherato), l’oreille aux écoutes et le cœur en soubresauts[1]… » Le duc gardait encore le déguisement à son arrivée à Ferrare (14 octobre). Il y apprit que les troupes du Saint-Siège, s’étaient emparées, entre temps ; de la plus grande partie de ses États ; il ne lui restait que sa capitale avec Comacchio et Argenta.

Plus fortuné que le duc de Ferrare, l’empereur Maximilien, — cet autre allié de Louis XII, — était aisément parvenu à faire sa paix avec Jules II. Depuis le 17 mai, il comptait déjà virtuellement parmi les membres de la Sainte-Ligue et adversaires plus ou moins déclarés du roi très chrétien. Le pape eut pour lui toutes les indulgences et toutes les complaisances ; il n’hésita même pas à le contenter aux dépens de ses amis les Vénitiens, et à lui adjuger plusieurs places dans la Terre-ferme. C’est qu’il savait combien ce nom d’empereur exerçait encore de fascination sur les esprits, combien surtout ce nom était indispensable à la réussite de son concile de Latran ! Car le Rovere avait fidèlement tenu la parole donnée au monde chrétien, l’année précédente, et la bataille de Ravenne n’a retardé que de quinze jours l’ouverture solennelle de la grande assemblée (Œcuménique promise par la bulle Sacrosanctæ pour le printemps 1512… Réunie toutefois au milieu de la tourmente politique générale qui étendit ses ravages jusqu’aux portes de Rome, réunie en dehors et à l’encontre de la France et de l’Allemagne, l’auguste assemblée du Latran n’était guère composée que de prélats italiens et pouvait difficilement prétendre à représenter l’Eglise universelle. La situation changea considérablement du jour où l’empereur Maximilien déclara vouloir faire accès à la Sainte-Ligue ; ce même jour (17 mai), le concile, qui n’en était encore qu’à sa seconde séance, fut prorogé jusqu’au mois de novembre, afin de donner aux membres « transmontains et transmarins » le temps d’arriver ; et à l’approche de l’automne le synode de Jules II était déjà reconnu par tous les pays catholiques à l’exception de la France. L’Espagne, l’Angleterre, l’Ecosse, la Pologne, la Hongrie, la Norvège, le Danemark, etc., avaient successivement fait acte d’adhésion et d’obédience ; Mathieu Lang, évêque de Gurk, vint en dernier lieu (4 novembre) accomplir le même acte au nom de l’Allemagne et de l’empereur Maximilien.

L’évêque de Gurk, — il Gurcense, ainsi que l’appelaient les Italiens, — fut la grande curiosité de Rome dans ce mois de novembre, ainsi que l’avait été au mois de juillet le duc Alphonse de Ferrare. Ministre et négociateur principal de Maximilien pour les

  1. Lettres d’Arioste, éd. Cappelli, 1887, p. 23.