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REVUE MUSICALE

LES ORIGINES ITALIENNES DE L’ORPHEE DE GLUCK

Christophe Willibald Gluck naquit sur les confins du Haut-Palatinat et de la Bohême. De cet Allemand, ou de ce Bohémien, trois chefs-d’œuvre — les derniers — furent écrits en français et pour la France. Les deux autres, représentés d’abord à Vienne, ne parurent devant nous que retouchés à notre intention et selon notre goût. Enfin tout le monde vous dira que la fameuse querelle des gluckistes et des piccinistes se termina par l’écrasement de la musique italienne. Mais il semble qu’en ceci tout le monde se méprenne, ou du moins exagère. La fameuse querelle eut un effet moins absolu. La victime n’en fut que certaine musique et non toute la musique d’Italie. Quand Gluck partit en guerre, ce fut — ses manifestes en témoignent expressément — contre les abus et les scandales, contre la pratique vicieuse et corrompue, mais non pas du tout contre la saine doctrine et le vieux fond de l’idéal italien. Je voudrais essayer de montrer à propos d’Orphée comment la réforme de Gluck fut moins peut-être une révolution qu’une restauration ; la mise en un jour nouveau et plus éclatant, la promotion à la beauté supérieure et totale, du plus ancien et du plus pur idéal italien : celui de la Renaissance, celui des fondateurs de l’opéra : les Péri, les Caccini et les Monteverde.

Trois Orphées parurent au commencement du XVIIe siècle, c’est-à-dire plus de cent-cinquante ans avant l’Orphée de Gluck : celui de Péri et celui de Caccini à Florence, en 1600 ; en 1607, à Mantoue, celui de Monteverde. Les deux derniers ont été publiés — pour piano et chant, avec réalisation des basses — dans une collection qu’on ne saurait assez recommander[1]. Il suffit de lire, comme nous venons de le faire, l’Orphée de Caccini et celui de Monteverde, pour y apercevoir en

  1. Publikation älterer praktischer und theorelischer Musikwerke. — Die Oper von ihren ersten Anfängen bis zur Mitte des 18ten Jahrhunderts. — 1er und 2e Theil. — Breitkopf und Haertel, Leipzig.