— Le droit criminel ! Les conseillers s’en occupent peu !
— Que font-ils donc ?
— Du « civil » : ils sont presque tous occupés à juger des affaires civiles.
— Comment cela ?
— C’est parmi soixante-douze magistrats qu’on peut choisir le président des assises de la Seine ; or plus de cinquante d’entre eux font le service des Chambres civiles, et les autres espèrent parvenir à en faire autant. Cela se comprend d’ailleurs, tous au Palais, du petit au grand, nous n’attachons d’intérêt qu’au « civil » et nous professons quelque dédain pour le droit pénal, ce droit rudimentaire qui…
— Ainsi, c’est du « civil », comme vous dites, que sort le président de cette cour d’assises ? Enfin, il doit s’instruire par la pratique, et devenir ici peu à peu un éminent criminaliste.
— Il n’en a guère le temps ! Après quelques sessions, quand l’expérience arrive, le président s’en va.
— Où donc ?
— Mais au « civil ». Et plus il est brillant, plus il y revient vite. Qu’un conseiller se fasse remarquer dans le poste de président d’assises, qu’il y soit éclatant, vite l’on fait de lui un des présidens de la Cour. Parvenu à ces sommets, il est délivré à tout jamais de la procédure pénale.
— Ce n’est donc pas un poste envié que celui de président des assises de la Seine ?
— On désire parfois le traverser pour monter plus haut, mais nul ne songe à y rester ; ce n’est qu’une étape, et elle est dangereuse.
— Mais hiérarchiquement, c’est un très haut poste ?
— C’est un poste de conseiller, inférieur à celui de l’avocat général que vous voyez siéger à cette audience.
— Comment ! l’avocat général…
—… a un traitement supérieur à celui du président des assises, et il faudrait qu’il eût bien de la malechance dans sa carrière pour être « assis » sur un siège de conseiller, et par conséquent pour pouvoir présider.
— Ainsi, cette fonction de président de la première cour criminelle de France n’est jamais une fin de carrière ? Ce magistrat n’est là qu’en passant ; et, comme vous le disiez tout à l’heure, il espère obtenir encore de l’avancement ?
— Sans doute.
— Et qui peut le porter à de nouveaux honneurs ?
— L’opinion du Parquet n’y sera pas indifférente.
— L’opinion du Parquet ? Ainsi l’accusateur, après avoir choisi