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LES ITALIENS DANS L'ÉRYTHRÉE

La fortune a trahi cruellement les armes italiennes. L’armée du général Baratieri, après avoir eu l’un de ses détachemens écrasé à Amba Alaghi, et un autre obligé de capituler à Makallé, vient de subir en bataille rangée un terrible désastre. Que ce désastre, s’il n’est pas promptement réparé, doive avoir d’importantes conséquences, tant au point de vue de la situation intérieure de l’Italie qu’au point de vue de sa politique étrangère et peut-être des intérêts généraux de l’Europe, c’est ce qui n’est pas douteux. Il est plus difficile de les discerner exactement, et, pour en dégager la signification comme pour en mesurer la portée, l’événement est encore trop rapproché de nous. Nous nous contenterons donc aujourd’hui d’exprimer le vœu que ce qui vient de se passer en Erythrée n’ait pas de répercussion grave dans d’autres régions de l’Afrique, et surtout dans le monde musulman, où la défaite de l’Italie serait considérée comme une victoire de l’élément indigène sur le conquérant européen. Mais, quelque curiosité qui s’attache aux questions coloniales, si les circonstances qui ont amené les Italiens sur le littoral de la Mer-Rouge, les événemens qui en ont suivi, la politique enfin qui a créé la situation actuelle, ne sont peut-être connus qu’en gros, c’est le moment de les retracer ; et c’est ce que nous essaierons de faire dans les pages qui suivent.


I

A peine constituée en corps de nation, l’Italie rêva d’expansion coloniale. Elle n’avait encore ni Venise ni Rome que déjà ses