Directoire exécutif, que l’esprit nouveau des armées se révèle dans ses adresses au gouvernement. Lisez et méditez celle-ci, par exemple, dont Barras nous a transmis le texte :
« Citoyens Directeurs, de tous les animaux produits par le caprice de la nature, le plus vil est un roi, le plus lâche un courtisan, et le pire de tous, un prêtre »… Cette profession de foi semble devoir prêter seulement à sourire : c’est la phraséologie révolutionnaire dans toute la sincérité comique de son emphase. Mais écoutez la suite : « Si vous craignez les royalistes, appelez l’armée d’Italie ; elle aura bientôt balayé les chouans, les royalistes et les Anglais. Nous poursuivrons ces assassins jusque dans la garde-robe de George III, et nous ferons subir au club de Clichy le même sort qu’à celui du Raincy[1]. »
Ainsi une armée offre ses services, non contre l’Autrichien ou l’Anglais, mais contre un parti dont les progrès, légaux d’ailleurs, inquiètent les détenteurs présens du pouvoir. De quoi se mêlent ces soldats ? Quelle est donc leur mission : combattre le club de Clichy, ou Davidovich et Wurmser ? Qui leur a inspiré l’audace de parler ainsi sous les armes, d’adresser aux chefs de l’Etat de semblables ouvertures, si ce n’est la certitude que paroles et ouvertures seront bien accueillies ? Et elles le sont en effet. Vainement Carnot et Barthélémy proposent de sévir contre une aussi flagrante violation de la discipline, de s’opposer énergiquement à l’introduction de pareilles mœurs dans l’armée. Rewbell et Barras approuvent hautement l’étrange démarche de la 21e brigade d’Italie ; la proposition de Carnot est écartée ; le droit d’ingérence des armées dans les actes de la politique intérieure, sous forme de blâmes, d’éloges ou de conseils, se trouve par-là implicitement reconnu ; — et les adresses expédiées par ces armées aux pouvoirs publics se succèdent désormais avec régularité, de plus en plus impérieuses et menaçantes. « La division Augereau a fait une adresse tellement vigoureuse que Bonaparte a hésité à la répandre ; celle de la division Masséna, celle de Joubert, l’une adressée au Directoire, l’autre à l’armée de l’Intérieur, nous sont parvenues. Le nombre des pétitionnaires est de 12 000[2]. »
De l’instrument imprudemment mis entre leurs mains, les chefs ambitieux s’emparent aussitôt. Hoche et Bonaparte annoncent que les deux armées de Sambre-et-Meuse et d’Italie « parlent de rentrer en partie dans l’intérieur pour y faire justice des assassins et des contre-révolutionnaires, envers lesquels le Directoire