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temps, où il y en a si peu, s’éteindre ainsi plein de force morale. Bretonneau, qui était alors autre qu’il n’est aujourd’hui, lui avait conseillé un remède dont il ne voulut pas faire usage, parce que cela contrariait ses idées en médecine. Il était médecin aussi. Un autre de mes amis s’en est servi avec succès. C’était le Rhus toxicodendron. Vous pourriez consulter là-dessus un médecin habile. C’est un remède dangereux, mais dans un cas semblable il faut tout essayer.


Paris, 18 novembre 1857.

Madame,

J’ai tort de ne pas vous avoir écrit. Ce n’est pas l’envie qui m’a manqué ; mais outre que j’attendais une lettre de vous, car, si j’ose le dire, c’était votre tour, j’ai passé mon temps à Compiègne, et ce n’est pas un lieu où l’on a du loisir. J’ai reçu ce matin votre aimable lettre adressée rue du Bac. Veuillez vous souvenir que ma résidence est rue de Lille, 52. Je suis charmé d’apprendre que le préfet persiste et insiste auprès du ministère. Je crois que de la part des inspecteurs généraux, il n’y aura pas la moindre opposition. La seule difficulté, bien considérable il est vrai, c’est d’avoir de l’argent à la fin de l’année. Si l’archevêque de Tours veut bien faire quelques démarches, j’ai bonne espérance. Veuillez être persuadée que je ferai de mon mieux auprès des gens que je connais et qui peuvent avoir quelque influence. Si vous m’aviez dit où se trouve cette bluette de M. de Pontmartin, vous la recevriez en même temps que ma lettre ; mais il faut que j’aille aux informations, car je reviens d’un pays où l’on ne s’occupe guère de littérature.

Je vous approuve fort, madame, de planter. Lorsque j’étais en Orient, je me suis reposé bien souvent à l’ombre de beaux platanes, auprès d’une petite fontaine avec une tasse attachée par une chaîne de fer. Ces reposoirs sont des fondations d’honnêtes Turcs qui en mourant ont voulu laisser aux générations futures un petit bienfait. Il est agréable de penser qu’un jour un inconnu pensera à vous avec bienveillance. Par parenthèse, les Grecs dans leur pays ont coupé tous ces arbres turcs. J’ai fort admiré la nature pendant mon séjour à Compiègne. La forêt est encore magnifique, bien que les arbres soient ou dépouillés ou chargés de feuilles jaunes et rousses. Le dessous du bois est un magnifique tapis de feuilles mortes avec des taches brillantes de soleil, çà et là. Vous apprendrez avec plaisir que l’Empereur va faire restaurer le château de Pierrefonds. N’est-il pas singulier qu’un souverain français rebâtisse ce que Richelieu a démoli ? Il me semble entendre son ombre dire : Ils