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UNE CORRESPONDANCE INEDITE
DE
PROSPER MÉRIMÉE

DEUXIÈME PARTIE[1]


Jeudi soir, 1857.

Madame,

Votre oiseau est charmant, je voudrais bien lui ressembler. Quant à la légende, je n’y puis mordre. Si je ne me trompe, ce sont des lettres hébraïques ; mais demain je consulterai les doctes. D’abord, avec mes mauvais yeux, j’avais cru voir des lettres grecques, et comme un archéologue ne doit jamais rester court, j’avais lu Χ. C. C. Π. Χριστὸς σώσῃ σε, Πρόσπερον. Que le Christ te sauve, Prosper ! Je suis sûr que la légende hébraïque n’est pas un spell dangereux, et qu’au contraire il doit avoir le pouvoir de chasser the grim gentleman below. J’en userai au besoin. Si vous restez quelque temps en Italie, il serait fort possible, madame, que j’eusse l’honneur de vous y rencontrer. Je suis partagé entre la tentation d’aller à Venise et une espèce de devoir d’aller en Espagne. Je sais combien l’Espagne me fait de mal, et je parviendrais peut-être en Italie à faire quelque chose pour mon bien. A Madrid, je suis parfaitement sûr de fumer une grande quantité de cigares et d’assister à la mort de tous les taureaux qui trépasseront en public, mais excepté ces deux façons de passer le temps

  1. Voyez la Revue du 1er mars 1896.