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infini qu’ils ne voient pas, qu’ils ne touchent pas. Ainsi nous pouvons dire que la sensibilité a augmenté dans le monde.


VII

Progrès de l’intelligence. — La plus haute de nos facultés, l’intelligence a été rudimentaire dans les anciens âges géologiques, et elle a été en grandissant jusqu’à l’époque actuelle, où elle présente un si merveilleux épanouissement. Ses progrès peuvent être constatés, car ils sont liés dans une certaine mesure au développement de la substance nerveuse.

L’intelligence, dans tout individu, doit être une ; pour juger, il est nécessaire de comparer ; pour comparer, il faut que les notions soient centralisées à un même point ; donc la concentration de la substance nerveuse est un indice de supériorité. En outre, on constate que, chez les êtres vivans, la masse de la substance nerveuse est généralement en proportion de la somme de l’intelligence.

Si nous pouvons nous faire une idée de ce que les animaux ont été pendant les temps primaires d’après ce qu’ils sont dans la nature actuelle, nous devons supposer que leur substance nerveuse était encore peu concentrée et ne formait pas un grand volume. Il y avait alors beaucoup de polypes, d’échinodermes, de brachiopodes ; de nos jours, le système nerveux est très faiblement développé chez ces animaux. Il y avait aussi des mollusques de différentes classes. Aujourd’hui les bivalves ont leurs ganglions nerveux éloignés les uns des autres ; les gastéropodes les ont plus rapprochés, leur état est encore rudimentaire ; nous n’avons pas de raison de croire qu’il fût plus parfait dans les animaux des temps primaires. Chez les céphalopodes actuels, le système nerveux est bien plus concentré que dans les autres mollusques ; peut-être en était-il ainsi chez les nautilidés des temps primaires.

Pour juger ce qu’était le système nerveux des trilobites, nous devons le considérer chez les animaux actuels, tels que les apus, qui semblent en différer le moins ; il y est très simple. Les autres crustacés et les insectes avaient sans doute leurs ganglions nerveux peu concentrés. On n’a pas encore étudié l’encéphale des poissons primitifs ; s’il a été semblable à celui des espèces qui vivent aujourd’hui, il était dans un état assez imparfait. Chez les poissons, les lobes olfactifs sont proportionnellement énormes, les hémisphères cérébraux sont séparés et d’une petitesse singulière, les lobes optiques sont très grands et à découvert, le