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Quand tout d’une parole aurait été fini,
Sans plus s’en expliquer, disait non et nenni.
Eût-il même très haut vanté son héritage,
Un fils de roi n’eût rien obtenu davantage.
Seulement ses regards allaient plus volontiers
Vers un enlumineur tout jeune de psautiers,
Le plus timide, fier pourtant comme une épée.
Et certe elle en était dans son âme occupée,
Et sa mère, près d’elle assise, en y songeant,
Dit : Soit ! et l’approuvait d’un sourire indulgent,
Si bien que, le bonheur de vivre étant sur elles,
S’abattit à leurs pieds un vol de tourterelles.

Mais vivre c’est aller au tombeau pas à pas,
Aveuglément ! La joie est d’en haut. Ce n’est pas
Sur la terre, parmi ses peuples misérables,
Dans l’épreuve, que sont les voluptés durables :
Le ver au cœur du fruit pend de l’arbre séché.
Illusion, mensonge et mort, toute au péché
Donnée et du péché pour jamais coutumière,
Elle ignore la paix heureuse et la lumière.
Honte et douleur à qui s’en est émerveillé !
Elle est fange : le pied qui la foule est souillé ;
Ténèbres : le marcheur le plus ferme y trébuche ;
Avarice : le dol y cache son embûche ;
Fureur : le meurtre y guette et brandit son couteau.
Qu’on aborne le bois, la plaine ou le coteau,
C’est un abîme ouvert que la règle mesure,
Et ce qu’appelle Amour son désir est Luxure.
O chair des vierges ! chair des vierges ! pureté !
Gracilité des cols ! bras fouettés de clarté !
Splendeurs ! refusez-vous ! Laissez aux pécheresses
Les alanguissement et l’horreur des caresses.
Vous, fuyez-les. Pas de baisers ! La passion
Est souillure, l’étreinte est profanation.
Vous êtes la blancheur souveraine et le temple
Où, renfermée, attend, prie, espère et contemple
Une âme ! Et sur ce temple, entre tous précieux,
Vous laisseriez errer des mains. errer des yeux,
Et, s’affolant dans sa victoire inassouvie,
Une bouche qui vous dirait ! Je suis la Vie !
Mais cette bouche, mais ces mains, ces yeux, la Mort
Est en eux déjà qui les corrompt et les mord