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comme à peu près certain que, pour quatre compagnies, l’État arriverait à reprendre possession des réseaux, en assurant simplement, jusqu’en fin de concession, le service des titres dans les conditions résultant de la garantie actuelle. Pour le Lyon et surtout pour le Nord, il faudrait ajouter un certain sacrifice, qui, croyons-nous, ne serait pas bien considérable. Au total, l’État pourrait, par une négociation bien conduite, rentrer en possession des chemins de fer, sans ajouter à ses charges actuelles une somme relativement importante.

Nous ne croyons pas non plus qu’il soit a priori impropre à diriger une bonne exploitation. Compagnies ou réseau d’État sont, au fond, administrés par des agens salariés, et le sentiment du devoir, le dévouement à leur service, n’est certes pas moindre chez les fonctionnaires que chez les employés de l’industrie. Ce qu’on peut se demander, c’est si la direction d’un réseau d’État présenterait toujours la continuité et la suite sans lesquelles il n’y a pas de bonne gestion ; il est permis d’en douter. D’autre part, en supprimant les compagnies, on supprimerait un point d’appui précieux, pour résister aux demandes non justifiées de réductions de tarifs, ou de dépenses nouvelles dans l’organisation des services ou du personnel, pour éviter l’ingérence d’influences extérieures dans le recrutement et l’avancement des agens. Il n’est pas un ancien ministre des travaux publics qui ne sache combien de fois il a été heureux de laisser une compagnie prendre la responsabilité de refus aussi impopulaires qu’indispensables aux finances publiques. Mais si ce qui était un point d’appui devient une cause de faiblesse, s’il suffit que l’intérêt de l’État soit d’accord avec celui des compagnies pour que personne n’ose plus le défendre, mieux vaut cent fois le rachat.

Nous n’hésitons donc pas à dire, en concluant, que les charges assumées par l’État, pour le service des chemins de fer, loin d’être soumises à une loi de progression incessante, présentent de sérieuses chances de réduction. Mais pour obtenir cette réduction, une gestion infiniment prudente et économe est indispensable, et elle ne peut être obtenue que de deux manières : ou bien en traitant franchement les compagnies comme les associés et les collaborateurs de l’État, ou bien en reprenant possession de tout le réseau, sans reculer devant le coût et les responsabilités d’une opération incontestablement moins onéreuse qu’un régime où l’État traiterait en ennemies les entreprises chargées de gérer ses intérêts


C. COLSON.