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sur les lignes parallèles aux voies navigables. Trop souvent, alors, l’administration les repousse, ou en subordonne l’homologation à l’application de réductions identiques sur les autres lignes non concurrencées. Elle interdit, ainsi, aux compagnies, de modeler leurs tarifs sur la situation créée par les pouvoirs publics, qui ont volontairement réduit le prix des transports dans certaines directions, en y créant des voies dont toutes les charges sont supportées par les contribuables, mais qui n’ont jamais eu l’intention de généraliser l’application de ce régime, incompatible avec la situation actuelle des finances publiques.

Les voies navigables nuisent donc aux recettes des chemins de fer : 1° parce qu’elles constituent une concurrence dotée par le législateur d’avantages tout exceptionnels, exploitée par des entreprises entièrement maîtresses de leurs actions, libres de faire varier leurs prix selon les saisons, la situation particulière des lieux d’embarquement ou de débarquement, etc. ; 2° parce que le chemin de fer est entravé, dans les tentatives qu’il fait pour retenir le trafic disputé en établissant, là où cela est nécessaire, des prix qui, bien que trop bas pour pouvoir être généralisés par des entreprises obligées de rémunérer leur capital, laisseraient encore un petit bénéfice susceptible d’atténuer la garantie. Il semble que ce dernier inconvénient pourrait être facilement corrigé, puisque l’homologation des tarifs est entre les mains du gouvernement, qui considère à si juste titre la diminution des garanties comme un intérêt de premier ordre. Malheureusement, dans chaque affaire particulière, l’intérêt du Trésor se trouve en conflit avec des intérêts privés, qui parlent plus haut que lui, et avec des préjugés que l’on n’ose guère combattre. Il appartient au Comité consultatif, auquel ces affaires sont soumises, de savoir résister aux uns et aux autres.

Au point de vue de l’étendue des voies navigables, les difficultés budgétaires, plutôt qu’une sage prudence, ont arrêté les progrès de la concurrence ; il se peut donc que cet arrêt ne soit que momentané. Dans l’Est, deux canaux sont en construction depuis dix ans, sans que l’on ait ni les moyens de les terminer, ni le courage de les abandonner ; leur achèvement coûterait à l’État 50 millions en capital, et probablement plusieurs millions d’augmentation annuelle de la garantie. Un projet de loi est soumis aux Chambres, pour construire un canal de Marseille au Rhône. On dit, il est vrai, que la majeure partie de la dépense sera couverte par des péages ; mais on s’est bien gardé de faire porter ce péage, comme cela serait juste, sur les services de navigation intérieure à qui on ouvrira l’accès de Marseille. On le fait