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tonnes transportées par eau à 1 kilomètre a augmenté de 1 738 millions, ou de 80 pour 100 du tonnage initial, tandis que, sur les chemins de fer, l’augmentation était de 1 729 millions de tonnes kilométriques, sensiblement égale en valeur absolue, mais représentant seulement 16 p. 100 du tonnage primitif.

Ainsi le trafic des voies ferrées est loin d’augmenter aussi rapidement que celui des voies de transport avec lesquelles elles sont en concurrence ; et cela est tout naturel, puisque ces dernières sont construites et entretenues par l’État, sans que les usagers paient aucune partie de l’intérêt du capital, ni des frais annuels d’administration et d’entretien. Si ce régime pouvait être appliqué à toutes les voies qui desservent les transports à grande distance, comme il l’est à celles qui desservent les relations locales, il aurait certainement de grands avantages. On a, depuis longtemps, reconnu l’utilité de ranger, parmi les charges générales des contribuables, l’amélioration et l’entretien de l’immense réseau de routes et de chemins qui couvre tout le territoire, et de le livrer gratuitement aux usagers. Ce régime sera sans doute celui des chemins de fer, quand leur capital sera amorti. Mais personne ne peut songer à remplacer, actuellement, par des impôts, les 543 millions de produit net qui rémunèrent la majeure partie de ce capital ; et l’on a tort de s’étonner que ce produit net croisse moins vite que les charges du capital, quand, par une faveur exceptionnelle faite à certaines régions, on y double d’une voie navigable où les transports sont exemptés de tout péage. le réseau ferré à péages, que les populations de la plus grande partie du territoire peuvent seul employer pour les transports similaires.

C’est un lieu commun généralement admis, de dire que la navigation intérieure et le chemin de ter se complètent l’un l’autre. À l’une, dit-on, appartiennent les marchandises pondéreuses, à l’autre, les produits de plus de valeur ; si on les juxtapose, le trafic se partagera de lui-même dans ces conditions, et le bas prix des gros transports assurera à l’industrie et à l’agriculture une prospérité, dont le chemin de fer même ressentira les heureux effets. Cela serait fort bien, si la navigation ne faisait, en fait, concurrence au chemin de fer que pour les marchandises pondéreuses, houilles, pierres, minerais, amendement, etc. Pour ces marchandises à bas prix, le coût des transports joue un rôle capital dans les conditions de vente. Comme elles sont l’instrument nécessaire de tout progrès industriel et agricole, on conçoit que l’État s’impose des sacrifices pour étendre leur champ d’expansion ; on doit se demander, seulement, si la création de voies navigables est