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croyons nécessaire de nous arrêter un moment, c’est la question de la concurrence entre les diverses entreprises de transport.

La question de la concurrence entre voies ferrées est aujourd’hui jugée, et tous les hommes compétens reconnaissent qu’elle constitue le plus onéreux et le moins efficace, parmi tous les procédés qui tendent à procurer au public un bon service à bon marché. Les lignes secondaires, que l’on établit aujourd’hui, ont généralement pour but de relier, aux grandes lignes, les centres de population éloignés du chemin de fer, et ont surtout le caractère d’affluens. Mais quand elles pénètrent jusque dans les grands centres, en doublant les sections les plus productives des artères principales, ou quand elles aboutissent, par leurs deux extrémités, à des villes déjà reliées entre elles par une autre voie, il en peut résulter des concurrences d’autant plus dangereuses, que les petits réseaux peuvent subordonner tous leurs prix aux intérêts de cette concurrence, et ne sont pas obligés, comme les grandes compagnies, de tenir compte de l’influence qu’un abaissement local peut exercer sur les prix payés par d’autres transports. La crainte des pertes qui peuvent en résulter ne doit pas empêcher d’établir les lignes nécessaires pour desservir les localités qui ne sont pas desservies actuellement ; mais il est bon de prendre quelques précautions, au moment où l’on accorde la concession de ces lignes. À ce moment, les demandeurs déclarent toujours qu’ils n’ont aucune vue de concurrence ; il est bon de prendre acte de ces engagemens, pour ne pas voir renaître les tentatives de lutte qui ont amené autrefois la ruine de tant de petites compagnies, non sans entraîner, pour les grandes, des pertes assez sérieuses. Ces dernières peuvent d’ailleurs aider beaucoup à l’efficacité de ces précautions, en prêtant aux compagnies secondaires un concours, en échange duquel celles-ci consentent volontiers à donner des garanties contre toute tentative de guerre. Il est bon que le gouvernement encourage ces accords, aussi favorables à l’amélioration des services qu’aux intérêts du Trésor.

Mais la véritable concurrence à craindre, c’est celle des voies navigables. Le développement de la navigation intérieure est peut-être la plus importante, parmi les causes qui entravent la progression des recettes des réseaux garantis. Ce développement a commencé à se produire, après une longue stagnation, au moment de la grande prospérité des chemins de fer ; mais la crise qui faisait reperdre à ceux-ci tout ce qu’ils avaient gagné ralentissait à peine les progrès de l’industrie rivale. C’est en 1881 que le ministère des travaux publics a commencé à tenir les statistiques dans les formes actuelles ; depuis cette année jusqu’à 1894, le nombre de