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60 ou 80 millions qui viennent s’ajouter au capital garanti, puisque, en outre, elles ont encore à emprunter, pour le compte de l’État, un milliard dont les intérêts viendront grossir le compte des annuités. Tout ce qui tend à réduire le taux auquel seront contractés ces emprunts est un avantage direct pour l’État ; tout ce qui tend à l’élever lui est onéreux.

Ces observations montrent combien sont peu conformes à l’intérêt réel du Trésor les attaques de nature à ébranler le crédit des compagnies. A la suite du procès entre l’Etat et les compagnies d’Orléans et du Midi sur la durée des garanties, on a beaucoup parlé d’intenter une action en nullité des conventions. En supposant que cette nullité pût être prononcée, il est fort douteux qu’elle fût avantageuse à l’État, puisqu’elle lui ferait perdre tous les bénéfices du concours apporté par les compagnies à l’extension du réseau. Ce qui est certain, c’est que la liquidation serait fort longue, et presque inextricable ; rechercher ce que serait la situation, si les conventions n’avaient pas eu lieu, c’est se poser un problème à peu près insoluble, car tout ce qui s’est fait depuis dix ans, en matière de construction et d’exploitation, eût été fait dans un esprit tout différent. Les lignes construites eussent été autrement tracées, la répartition du trafic entre elles ne serait pas la même, les tarifs auraient été moins réduits, les acquisitions de matériel nécessitées par la réforme de la grande vitesse eussent été inutiles, les travaux complémentaires moins étendus. Rechercher les conséquences pécuniaires de l’annulation des contrats qui ont substitué l’état de choses existant à un état de choses tout hypothétique, serait une tâche sans issue ; mais tandis que l’on s’y livrerait, l’ébranlement qui en résulterait dans le crédit des compagnies se traduirait par un surcroît de charges qui n’aurait rien d’hypothétique, et ferait perdre les chances heureuses que peut ouvrir la conversion de leurs emprunts.


Si l’État est intéressé à conserver le crédit des compagnies, il ne l’est pas moins à développer leurs recettes. Il peut exercer, à cet égard, une influence considérable, puisque l’homologation du ministre est nécessaire pour toute modification dans les tarifs. Qu’il faille, en exerçant ce pouvoir dans l’intérêt public, tenir compte des deux aspects également respectables que présente cet intérêt, selon que l’on envisage le public comme client des chemins de fer ou comme contribuable, cela n’est pas contesté. Nous ne saurions, sans nous étendre outre mesure, entrer dans les détails d’une étude sur la manière de concilier ces deux points de vue. Mais il est une question qui s’y rattache, et sur laquelle nous