Il faut remarquer aussi que les sacrifices de l’État n’ont pas seulement pour effet, comme la plupart des dépenses budgétaires, de subvenir aux besoins et aux charges de l’année. Ils constituent, dans une certaine mesure, un placement pour l’avenir et un amortissement des dettes du passé.
Ce caractère de placement rencontre dans les travaux neufs, qui entrent pour 11 millions dans la dépense totale de 1894. Il ne saurait être contesté à la partie de cette somme qui est absorbée par les travaux complémentaires du réseau d’État, puisque ces travaux sont motivés par le développement du trafic et des recettes. La question est plus douteuse, pour la partie consacrée à la construction de lignes neuves, qui ne rémunèreront pas leur capital d’établissement. Cependant, il est certain que ces lignes constitueront un legs utile de la génération présente aux générations futures. S’il est contestable qu’on enrichisse ces générations, en les grevant de l’intérêt d’emprunts contractés pour des travaux non rémunérateurs, il est certain qu’on travaille pour elles, quand on prélève sur les ressources du présent de quoi améliorer l’outillage national, même si l’amélioration n’offre pas une utilité répondant entièrement à la dépense qu’elle entraîne. Les travaux faits sur le budget ordinaire constitueraient donc bien un placement, si ce budget était réellement alimente par les ressources normales de l’exercice.
Ce qui est un placement incontestable, c’est la partie des annuités et des garanties d’intérêts affectée à l’amortissement du capital des chemins de fer. Grâce à cet amortissement, entre 1950 et 1960, tous les grands réseaux feront successivement retour à l’Etat, sans que celui-ci ait d’autre dépense à faire que de payer le matériel roulant de celles des compagnies dont il ne serait pas créancier pour une valeur au moins égale, en raison des avances de garantie. On peut donc dire que, par l’effet du régime légal de nos chemins de fer, toutes les sommes affectées, chaque année, au remboursement des titres émis pour leur construction, sont consacrées à acquérir, peu à peu, à l’Etat, ce magnifique domaine.
En 1894, les compagnies, grandes et petites, ont consacré 105 millions au remboursement de leurs titres ; le Trésor public, d’autre part, a consacré 25 millions au remboursement de la dette 3 pour 100 amortissable, dont la moitié environ a été émise pour faire face aux rachats et travaux de chemins de fer effectués par l’Etat. Cela fait 120 millions affectés à l’extinction du capital des chemins de fer. Cette somme n’a pas intégralement le caractère d’un amortissement ; elle comprend, en effet, la prime de remboursement, qui a plutôt le caractère d’un supplément d’intérêts,