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V. — CONCLUSIONS GÉNÉRALES

Le dépouillement minutieux auquel nous avons procédé montre que, pour l’année d’exploitation 1894, les dépenses retombant à la charge de l’État, par l’effet du régime financier de nos chemins de fer, excèdent les recettes et bénéfices dus à ce régime, de 86 millions pour la France métropolitaine, de 29 millions pour l’Algérie et les colonies. Comme nous l’avons déjà dit, ces deux chiffres ne nous paraissent pas devoir être totalisés, non seulement parce que les réseaux auxquels ils se rapportent n’ont aucun lien entre eux, mais surtout parce que les motifs qui conduisent les pouvoirs publics à assumer ces charges sont absolument différens. La mise en valeur des pays neufs est une opération légalement et économiquement indépendante des facilités de circulation nécessaires à la France.

Il est regrettable de ne pas pouvoir établir un compte à part pour les dépenses faites dans un intérêt militaire, qui, par leur nature même, seraient des dépenses d’État sous quelque régime que ce fût. Sans doute, les services que les chemins de fer, construits en vue des besoins généraux du pays, rendent aux transports militaires, rentrent dans l’ensemble des avantages qui découlent de leur création, et ne justifieraient pas l’établissement d’un compte spécial ; à l’inverse, les installations ou les engins destinés exclusivement au service militaire, et qui ne peuvent pas être utilisés dans le service commercial, sont payés sur le budget du ministère de la guerre, et sont, par suite, restés en dehors des comptes que nous avons établis. Mais, entre ces deux cas bien tranchés, il en existe de très nombreux, où des travaux qui rentrent dans les types ordinaires des chemins de fer d’intérêt commercial, et sont rattachés aux comptes des travaux publics, sont faits exclusivement ou presque exclusivement dans un but militaire. Ainsi, parmi les annuités inscrites au budget, figurent pour plus de 5 millions des dépenses afférentes à la pose de la double voie sur des lignes où ce doublement a été réalisé uniquement en vue des besoins de la mobilisation de l’armée. La plupart des lignes faites dans l’Est, dans les Alpes, depuis vingt ans, offrent surtout un intérêt stratégique ; dans l’Est notamment, ce sont des considérations militaires qui ont fait construire des lignes à double voie et à profil excellent, coûtant cinq ou six cent mille francs par kilomètre, dans beaucoup de régions où une ligne secondaire, coûtant quatre fois moins, aurait largement suffi à