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ture des hostilités, le jeune Byzantin se trouve « mal à son aise de sa personne. » Il laisse les Athéniens et leur seigneur recommencer tout seuls la guerre du Péloponèse et va rendre un soir visite à l’aimable Alaciel. Sous prétexte de promenade à la fraîcheur des jardins, il l’entraîne du côté de la mer, la jette, éplorée, sur une barque qui se dirige à force de rames vers Égine. Il s’arrête sur la plage de l’île le temps nécessaire pour que la belle commence à sécher ses larmes, puis il l’emmène à Chio où elle achève de se consoler. Le sultan turc Osbech, qui se trouvait alors à Smyrne, eut vent de l’aventure. Il tente une descente nocturne au rivage de Chio, massacre et brûle tout ce qu’il peut et fait voile pour les côtes d’Anatolie ; il emportait sur sa galère l’infortunée Alaciel et l’épousait sans retard. La voilà sultane, mais l’Orient était alors bien troublé. Osbech avait à repousser l’invasion de Basan, roi de Cappadoce ; il laisse donc Alaciel à la garde d’Antioco, le plus loyal de ses officiers, et marche contre Basan. À la première bataille, il reste mort sur le terrain ; cependant Antioco ne perdait point son temps. Il était le premier homme qui parlât l’idiome d’Alaciel. La malheureuse, depuis de très longs jours, était aimée par des ravisseurs au langage desquels elle n’avait rien compris. À l’approche de l’ennemi, elle s’enfuit à Rhodes avec son nouvel amant. Quelques mois après, Antioco meurt en confiant sa maîtresse aux soins d’un marchand de Chypre, son meilleur ami. En pleine mer, entre Rhodes et Chypre, la princesse et le marchand se jurent un amour éternel. Peut-être le serment eût-il été tenu si le marchand n’avait point eu affaire en Arménie. Pendant son absence, Alaciel reconnut, passant sous ses fenêtres, un gentilhomme égyptien, Antigono, attaché jadis à la cour du Soudan, son père. Elle l’appelle et lui conte la chronique lamentable de ses naufrages et de ses mariages. Antigono la rassure touchant le point délicat du roman : « Personne ne sait qui vous êtes, je vous rendrai à votre père plus chère que jamais, et, lui, il vous rendra fiancée, très pure, à votre époux le roi de Garbe. » La princesse revoit son père qui ne comprend rien à ce long silence. Pourquoi n’a-t-elle jamais écrit en Égypte ? Elle répond par l’histoire concertée avec Antigono. La tempête l’a jetée dans les marais d’Aigues-Mortes. Là, des jeunes gens l’ont entraînée par les tresses de sa chevelure, vers un grand bois. Quatre chevaliers sortirent du bois et la délivrèrent ; ils la conduisirent à un monastère de nonnes, où elle avait vécu très saintement. Elle avait dû feindre d’être née chrétienne et fille d’un riche Cypriote. Un jour l’abbesse l’avait confiée à de respectables pèlerins qui se rendaient au Saint-Sépulcre, en passant par Chypre. Et, au moment de débarquer en cette