à son mal, de lui rendre au plus tôt son amant : « C’est toi, Seigneur, qui m’a soumise à l’éternel amour, toi qui m’a séparée de celui que j’aime plus que moi-même. Si les malheureux sont entendus de toi, prête l’oreille à ma plainte ; pour le peu de bien que j’ai pu faire, reçois mon oraison, exauce mon vœu : cela ne te coûtera guère, Seigneur, et me donnera un contentement très grand. Rends-moi mon Panfilo. Tu sais bien, toi à qui rien n’est caché, que je ne puis abandonner la pensée de mon gracieux amant. J’ai voulu mourir mille fois déjà, et c’est l’espérance que j’ai en ta bonté qui m’a donné la force de vivre encore. N’est-ce pas un plus grand péché de tuer sa pauvre âme avec son corps que de reprendre son amour, comme je l’ai pris une première fois ? N’aimes-tu pas mieux les pécheurs qui vivent et te connaissent encore que les morts désespérés, sans rédemption ? » Et, pour confirmer cette théologie napolitaine, elle fait brûler de l’encens et des cierges et dépose de l’argent sur l’autel.
Mais Panfilo ne reparaît toujours point. Elle songe alors aux joies de la nouvelle épouse, et cette vision la tue lentement ; elle perd le sommeil, la fièvre la brûle, elle néglige sa parure ; on l’emmène, toute languissante, aux bords du golfe de Baïa ; mais aucune fête ne distrait son chagrin ; sa beauté se fane ; elle s’éteint et appelle la mort. Mais elle était réservée à une torture encore plus grande. Panfilo ne s’était point marié ; il avait tranquillement changé de maîtresse. Fiammetta sort d’elle-même, folle de rage, se laisse arracher par son mari l’amer secret ; elle rejette les consolations de sa nourrice qui l’invite à chercher un autre amant. Elle se débat dans une démence furieuse. Elle écrit cependant jusqu’au bout sa triste histoire pour les pietose donne. « Ô mon tout petit livre, qui semble sortir du tombeau de ta maîtresse ! » Il eût gagné à être plus petit encore, car Boccace l’a gonflé d’une mythologie qui lui paraissait neuve, et que nous jugeons bien vieillie. Mais ôtez de la Fiammetta Vénus et tout l’Olympe, Médée, Hécube, Phèdre, Sophonisbe, Massinissa et l’histoire romaine, il restera une peinture pathétique des passions de l’amour, où le cœur saigne, où la chair palpite. Fiammetta avait lu, comme Francesca da Rimini, nos romans de la Table Ronde ; elle se souvient, à la fin du récit, de Tristan et d’Yseult, et envie leur sort ; à la même heure, Yseult expirant près de Tristan, qui vient de mourir, et tous les deux terminant ensemble leurs joies et leurs peines. Peut-être, à la dernière minute de sa vie, Tristan, mortellement blessé, a-t-il pu douter d’Yseult, mais Yseult n’avait jamais douté de Tristan, et elle accourait, sur le vaisseau à la voile blanche, pour enchanter la blessure du chevalier. Ici l’amour, exaspéré par la trahison, par l’abandon sans espoir, se convertit