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Malgré une campagne de presse des plus violentes où l’on porta contre le gouvernement les plus absurdes accusations, la majorité des uitlanders restait encore médiocrement disposée en faveur du mouvement au milieu de décembre. Lorsque j’arrivai à Johannesburg on pouvait distinguer trois courans : les révolutionnaires, en tête desquels étaient les grands financiers, Anglais et israélites, que suivaient la plupart des Anglais et des Australiens, à l’exception des commerçans de Johannesburg et des mineurs cornouaillais, très opposés à toute action violente. Le but, non avoué, de leurs chefs, était l’annexion du Transvaal aux colonies anglaises et la masse du parti, assez indifférente à ce qui suivrait la chute du gouvernement boer, tenait avant tout à le voir tomber. Les modérés, Américains, Afrikanders et commerçans de Johannesburg, répugnaient à l’emploi de la violence, et tout en demandant des réformes politiques, suivaient la ligne de conduite indiquée par l’ingénieur Brown. Enfin les étrangers non Anglais, se tenaient en dehors de l’agitation et plusieurs manifestaient des sympathies pour le gouvernement.

Le 14 décembre devait être tenu un meeting convoqué par l’Union nationale du Transvaal, ligue fondée en 1891 pour soutenir les revendications diverses, mais surtout politiques, des étrangers. Il fut remis au 27 d’abord, puis au 6 janvier, sous le prétexte bizarre que le 27 se trouvant compris entre deux journées de courses, il serait à craindre que la population fût ce jour-là trop distraite des questions politiques. Les fêtes de Noël se passèrent tranquillement et joyeusement, comme en tout pays anglais ; à cette date beaucoup de personnes croyaient encore que toute cette agitation se passerait en menaces, quoique de mauvais bruits eussent commencé à circuler : on parlait de fusils, de canons Maxim même, introduits en fraude par certaines compagnies minières. Il était certain, en tout cas, qu’on continuait à endoctriner les mineurs et que des personnes qui devaient être bien informées éloignaient leurs femmes et leurs enfans.

C’est le 27 décembre au matin que le feu fut mis aux poudres par la publication du manifeste de l’Union nationale. Ce document, adressé au peuple du Transvaal, déclarait que l’association se proposait d’atteindre les trois résultats suivans : le maintien de l’indépendance de la République ; l’obtention de droits pour les étrangers égaux à ceux des Boers ; enfin qu’il fût fait justice a leurs revendications : celles-ci étaient au nombre de dix, comprenant des réformes politiques, l’extension du droit de suffrage aux étrangers, l’établissement d’un vrai gouvernement parlementaire, de l’égalité des langues anglaise et hollandaise, du libre échange pour les produits de l’Afrique du Sud, l’enseignement