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du gouverneur du Cap, sir Henry Loch, le drapeau de la République sud-africaine fut enlevé à Johannesburg et remplacé par un drapeau anglais. En même temps qu’ils affirmaient ainsi leur nationalité anglaise, tous ces hommes venus dans le pays pour y faire fortune le plus tôt possible et s’en retourner ensuite, réclamaient à cor et à cri des droits politiques ; Que pouvaient conclure les Boers de toutes ces agitations. si ce n’est qu’on voulait leur reprendre leur patrie ? et comment auraient-ils été enclins dès lors à examiner avec faveur les réclamations, souvent justifiées, de la population étrangère relativement aux questions économiques ? N’est-il pas en particulier bien explicable qu’ils aient empêché l’ouverture du chemin de fer reliant Johannesburg au Cap, qu’ils regardaient comme un outil d’envahissement, aussi longtemps que celui de Delagoa-Bay, qui leur ouvre une autre voie de communication avec le reste du monde en dehors du territoire anglais, n’eut pas atteint les hauts plateaux ? Les revendications politiques faisaient du tort aux demandes de réformes économiques ; malgré cela, pourtant, le régime auquel sont soumises les mines d’or est bien loin d’être aussi intolérable que le feraient croire les bruyantes réclamations dont a retenti la presse anglaise. Nous l’examinerons un peu plus loin ; il convient de faire d’abord le récit des événemens.

Les agitations politiques s’étaient calmées sur le Witwatersrand pendant la période de grand essor des mines d’or, qui avait duré de l’automne de 1894 jusqu’en septembre 1895. Mais en novembre 1895, à l’ouverture de la Chambre des mines, de Johannesburg, M. Lionel Phillips, son président, ouvrit les hostilités de nouveau par un violent discours où il menaçait le gouvernement d’une insurrection, s’il ne faisait pas des réformes politiques et économiques immédiates. M. Phillips faisait appel à l’union des travailleurs et des capitalistes contre les Boers ; bien qu’il n’y eût jamais eu de difficultés ouvrières, les mineurs furent difficiles à entraîner : satisfaits de leurs gages élevés, ils supportaient sans peine le poids des impôts dont on se plaignait avec tant d’ostentation. Beaucoup d’entre eux étaient fort opposés à l’annexion à l’Angleterre qu’ils voyaient peindre au bout du mouvement. De ce nombre étaient, outre les Américains, beaucoup d’Australiens et de gens de la colonie du Cap ou Afrikanders, notamment les anciens mineurs de Kimberley qui poursuivaient d’une véritable haine M. Rhodes, président de la monopoliste compagnie De Beers. Dans une réunion d’employés de tout rang des mines, un ingénieur américain, M. R. E. Brown, engageait les ouvriers à ne pas se faire les instrumens de capitalistes avides de monopoles et prêchait la conciliation avec les Boers.