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pour l’élection de ses membres que douze ans après leur naturalisation. Le second Raad, où les uitlanders sont représentés, n’est guère qu’une chambre consultative pour les questions minières et commerciales : ses votes doivent être ratifiés par le premier Raad, et elle n’intervient pas dans la fixation du budget. L’administration locale est confiée à des magistrats nommés veld cornets, qui ont également des pouvoirs de juge de simple police ; les landdrosts ou baillis, fonctionnaires d’un rang plus élevé, rendent la justice en première instance.

Le président actuel, M. Paul Krüger, qui exerce ses fonctions depuis qu’en 1881 les Anglais ont dû rendre l’indépendance au Transvaal, jouit d’une immense influence personnelle. Bien que de descendance allemande, Oom Paul, « l’oncle Paul » — comme l’appellent les vieux fermiers, d’un terme de respectueuse familiarité, — est un représentant typique des Boers au point de vue moral. Tandis que son grand adversaire, le premier ministre d’hier de la colonie du Cap, M. Cecil Rhodes, est à la fois homme d’État et homme de finance, le président Krüger est homme d’État et homme d’église ; il appartient à la secte ultra-puritaine des Doppers et prêche lui-même à l’occasion dans leur église de Pretoria. Ne buvant jamais que du café ou du fait, menant la vie la plus simple dans sa petite maison de Pretoria, qu’un factionnaire solitaire qui se promène devant la grille d’un jardin minuscule distingue seul des habitations voisines, il est bien le président qui convient à ce peuple d’un calvinisme rigide dont les lois défendent de trek’ ker, de chasser, de donner même des fêtes privées le dimanche. Il a transporté à la présidence les habitudes de la vie rustique : à cinq heures il est debout ; il donne ses audiences, à sept heures du matin. Il n’a reçu que l’éducation la plus sommaire mais n’en est pas moins un politique des plus habiles : au milieu de toutes les difficultés que lui suscitaient la foule d’étrangers subitement accourus au Transvaal et les convoitises de l’Angleterre, il a manœuvre avec une suprême adresse. Ce n’est qu’un paysan madré, disaient pourtant bien des gens encore, avant la dernière crise ; il vient de prouver qu’il était plus que cela, un véritable homme d’État.


III

Les événemens qui ont eu lieu au Transvaal en décembre 1895 et janvier 1896 étaient depuis longtemps en préparation et n’ont été que le résultat de. la tension toujours croissante des relations entre les Boers et la population minière, ou du moins une certaine partie de cette population. Les Boers ont vu sans la moindre