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de mimosas et de bouquets d’arbres où les troupeaux n’ont pas à craindre le froid des nuits de juillet et d’août ; c’est là que pendant l’hiver, lorsque l’herbe des hautes régions est desséchée, les Boers conduisent leur bétail. Ils trekkent eux-mêmes à leur suite, c’est-à-dire qu’ils les accompagnent dans leurs grands chariots de quatre à cinq mètres de long, bas sur roues, non suspendus, traînés par seize bœufs à grandes cornes. C’est ainsi que, mécontens de leurs nouveaux maîtres anglais, ils ont quitté la colonie du Cap, traversé les déserts du Karrou, franchi le fleuve Orange, et se sont établis les uns en deçà, les autres au delà de son affluent, le Vaal. Les gravures populaires montrent les femmes mêmes défendant les chariots à coups de fusil contre les Zoulous et les Matabelés qu’il fallut combattre. Ce grand trek de plusieurs milliers d’hommes évoque le souvenir des migrations germaniques du temps des Cimbres et des Teutons ou des envahisseurs de l’empire romain.

Redevenu pasteur et à demi nomade, ce peuple a l’horreur des villes : sa capitale, Pretoria, bien que doublée, elle aussi, depuis la découverte de l’or, ne compte qu’une dizaine de mille habitans, également partagés probablement en Boers, étrangers et gens de couleur, nègres ou Hindous. Au milieu se dresse l’église de style vaguement gothique, surmontée d’une flèche haute et nue comme il convient à ces calvinistes rigides. Elle n’est plus aujourd’hui le seul grand édifice de la ville ; en face d’elle le palais du gouvernement, grand bâtiment de pierre, a remplacé l’ancienne maison à toit de chaume où siégeait jadis le Parlement, en même temps que les excédens de recette succédaient aux déficits budgétaires. chroniques avant la découverte des mines. Les banques, diverses compagnies financières ont entouré la place de l’église de hautes maisons. Il n’y a pourtant qu’une véritable rue à Pretoria, Keel Straat, la rue de l’Église, dont les boutiques, presque toutes anglaises rivalisent avec celles de Johannesburg ; les autres ne sont que des allées au milieu des jardins et des arbres sous lesquels se cachent les maisons. Du haut des collines qui la dominent, la capitale du Transvaal a l’air d’un parc plus que d’une ville, et l’aspect de cette vallée ombragée et bien arrosée contraste singulièrement avec le plateau poussiéreux de Johannesburg.

Le gouvernement des Boers est patriarcal : le président gouverne sans ministres, mais avec un conseil composé du commandant général, du secrétaire d’État élu par le premier Volksraad pour quatre ans et de deux autres membres élus par la même assemblée pour deux ans. Le premier Volksraad, élu de même que le président par le suffrage de tous les bourgeois de la République, partage avec lui tous les pouvoirs. Les étrangers ne peuvent voter