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à peu près que la reproduction de la proposition de M. Thiers, déjà rejetée par M. de Bismarck.

« J’ai répondu que je n’étais autorisé à rien de plus, mais il m’a promis que si vous lui envoyiez des propositions qu’il eût plus de chance de faire accepter, il les transmettrait à leur adresse, la Russie ne pouvant s’exposer à la certitude d’un refus.

« Vous le voyez, ce que j’ai obtenu n’est pas grand’chose. mais pourtant c’est la base d’une négociation qui peut se rouvrir si vous le jugez nécessaire. »

……………………………..

Dans un second télégramme, je complétais ainsi mes premières informations :

« Si vous voulez bien vous reporter, écrivais-je, à mon télégramme du 21, vous y verrez que la Russie se soucie peu d’être l’intermédiaire de propositions qu’elle considère comme devant être rejetées par la Prusse, ou de prendre en ce moment une initiative quelconque dans les négociations entre cette puissance et la France. Comme me disait le prince Gortchacow, là où M. Thiers a échoué, il n’espère pas être plus heureux. La Russie ne pourrait donc aujourd’hui transmettre que des propositions partant d’un autre ordre d’idées, celui de la soumission entière, et nous n’en sommes pas encore là ; c’est donc, pour le moment, un sujet épuisé. »

M. de Chaudordy était évidemment fort embarrassé de me répondre en présence des dispositions de résistance à outrance qu’il rencontrait au sein de la délégation de Tours. Il m’envoya toutefois le 26 le télégramme suivant :


« En réponse à vos deux télégrammes, veuillez faire comprendre au prince Gortchacow combien il nous est difficile de présenter une proposition, sans connaître les dispositions du quartier-général prussien. Le chancelier peut mieux que nous s’en rendre compte, et nous lui serons reconnaissans de vous donner son opinion à cet égard et de prendre l’initiative d’une démarche à Versailles. Un état régulier en France serait la conséquence d’un armistice, car nous ferions immédiatement les élections et l’Assemblée se réunirait de suite. Ce serait un avantage pour tout le monde et un grand pas vers la paix. La Russie prendrait en cela un rôle d’où résulterait pour elle une bonne situation vis-à-vis de nous. »

Ces ouvertures n’eurent aucun succès à Saint-Pétersbourg. La question demeurait exactement dans les termes où je l’avais fait connaître à Tours. La Russie ne se sentait pas de force à faire