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les toilettes voyantes des Malaises et des mulâtresses égaient les rues de la ville et les allées du beau jardin botanique.

Si Cape-town n’est pas plus important, c’est que la colonie entière avait végété et comptait encore, il y a vingt-cinq ans, parmi les plus ingrates des dépendances britanniques. La découverte des mines de diamans à Kimberley, dans l’extrême nord, lui donna, en 1870, une première impulsion ; celle des gisemens aurifères du Witwatersrand une bien plus vigoureuse, depuis 1886. Mais c’est, encore, aujourd’hui, surtout une porte d’entrée et de sortie pour le Transvaal, dont l’or forme la moitié de ses exportations ; les diamans de Kimberley en fournissent un autre quart. Quant au flot humain qui arrive chaque semaine de tous les points du monde, il s’arrête à peine au port de débarquement, et les trains, qu’il faut doubler ou tripler à chaque arrivée de paquebot, l’emportent aussitôt vers le Witwatersrand.

Ce long trajet de 1 700 kilomètres, de Cape-town à Johannesburg, qui se fait en cinquante heures par l’ « express » hebdomadaire, est le plus monotone qui se puisse imaginer. La voie s’élève rapidement sur les plateaux désolés du Karrou, dont le sol rougeâtre, insuffisamment arrosé, apparaît entre de maigres touffes d’herbe desséchées par le soleil. Ce désert sans grandeur est parsemé de collines pierreuses, et de très rares oasis, où quelques saules pleureurs entourent une ferme située à proximité d’une source ou d’un puits. Les stations, éloignées parfois de 50 kilomètres, desservent seulement quelques habitations disséminées au loin. Les plaines herbeuses de l’État d’Orange, que l’on traverse ensuite, n’ont pas plus d’arbres que le Karrou, mais d’assez nombreux troupeaux animent du moins le paysage, et les fermes sont moins espacées. On s’arrête même à une ville de 5 000 âmes, Bloemfontein, la seule qu’on voie dans tout le trajet. Enfin, après avoir franchi le Vaal, on se trouve sur les plateaux plus ondulés du Transvaal, et après deux jours de voyage, on distingue enfin à l’horizon une chaîne de médiocres collines précédées de hautes cheminées qui s’alignent de l’est à l’ouest. C’est la « Rangée de l’Eau Blanche », le fameux Witwatersrand, avec le plus grand champ d’or du monde étendu sur ses pentes.


I

Après n’avoir parcouru pendant deux jours que des solitudes silencieuses, on peut se croire transporté dans un pays fantastique en suivant. pendant la dernière heure du trajet, l’affleurement du Main Beef. On n’aperçoit de part et d’autre de la voie que les hangars en tôle qui abritent les machines, les énormes