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BOERS ET ANGLAIS
DANS L’AFRIQUE DU SUD

J’arrivai au Cap de Bonne-Espérance le 2 décembre dernier, venant d’Australie, après une longue traversée de dix-neuf jours. Le paquebot Damascus, qui m’amenait, portait plus de 250 immigrans : mineurs, charpentiers, ouvriers de tous métiers, chercheurs d’or qui délaissaient leur pays, encore plongé dans une crise intense, pour recommencer une nouvelle vie aux champs d’or du Transvaal. Le même jour, un paquebot amenait d’Angleterre plus de 500 passagers de toute nationalité. Le courant d’immigration qui se portait vers l’Afrique du Sud était alors à sa plus grande puissance. Mille personnes débarquaient chaque semaine au Cap pour prendre aussitôt le train de Johannesburg.

Il me semblait arriver sur les côtes d’Écosse, tant la brume matinale était épaisse, mais le soleil la déchira tout à coup, au moment où nous accostions, et nous découvrit l’imposant contour de la baie, fermée au sud par l’énorme muraille de la Montagne de la Table, que flanquent les pics étranges de la Tête et de la Croupe du Lion, tandis que les monts des Hottentots, estompés dans le lointain du nord-est, complètent l’hémicycle des côtes. La ville du Cap elle-même ne vaut pas le site ; bien qu’âgée de deux cent cinquante ans, elle n’a que 80 000 habitans dans ses petites maisons blanches à toit plat, disposées en damier, et ses faubourgs étendus le long de la plage ; à peine le vieux château délabré et quelques anciennes maisons à large perron rappellent ils la domination hollandaise, qui dura jusqu’en 1806. La population est plus pittoresque que la ville ; grâce au mélange des Hollandais, des protestans de l’ouest et du midi de la France, des Malais importés au XVIIIe siècle, des Hottentots olivâtres et des nègres cafres, toutes les nuances possibles y sont représentées ;