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trouvé dans le bas de Montreuil près Paris, et donné au Muséum par le baron Haussmann. Mais, pendant la phase glaciaire, la taille a diminué : j’ai vu le fameux mammouth de la Sibérie, dont on admire le squelette dans le musée de l’Académie à Saint-Pétersbourg ; il n’a que 3m, 42 de hauteur.

A l’époque actuelle, les mammifères marins sont les plus grands qui aient existé. Le rorqual appelé la baleine bleue (Balænoptera Sibbaldii), représenté dans le Muséum de Paris par deux squelettes, a 24 mètres de long. Brehm parle de rorquals de 34 mètres. Si l’on compare la taille de ces cétacés avec celle des animaux primaires, on voit un curieux contraste qui prouve d’une manière frappante l’accroissement des vertébrés marins pendant le cours des âges. Plusieurs des invertébrés ont aussi de nos jours leur maximum de taille : par exemple il y a des oursins et des étoiles de mer plus gros que dans les temps géologiques. Jamais les mollusques bivalves n’ont égalé les Trídaena employées dans les églises comme bénitiers. Quoique les céphalopodes aient atteint une dimension considérable sous la forme orthocère dans le Primaire, sous les formes bélemnite et Leptoteuthis dans le Jurassique, sous la forme ammonite dans la craie, ils sont loin d’avoir les proportions gigantesques du Mouchezia découvert par M. Vélain, du poulpe et de l’Architeuthis actuels dont M. Ward m’a montré les moulages dans son magnifique établissement de Rochester.

Sur les continent, il s’est produit un amoindrissement ; les mammifères actuels sont moins grands que ceux des temps tertiaires et quaternaires. Dans les îles, il n’en a pas été de même ; à une époque très récente, il y avait encore à la Nouvelle-Zélande des oiseaux plus forts que nos autruches, à Madagascar des oiseaux, des tortues et un lémurien d’une taille extraordinaire.

En résumé, l’Auteur du monde étant la puissance infinie, chaque époque a reçu quelque reflet de cette puissance. Dès l’origine, avant les manifestations de la vie, le règne minéral a sans doute offert d’imposant spectacles ; plusieurs ordres d’invertébrés ont eu, pendant l’ère primaire, leurs principaux représentans ; les gigantesques vertébrés à sang froid ont été cantonnés dans l’ère secondaire ; les plus grands mammifères ont vécu durant les temps tertiaires ; l’homme, plus faible de corps, mais plus fort que tous les êtres par son génie, règne depuis l’ère quaternaire.

Nous pouvons donner quelques explications de ces apogées successifs. Ainsi il est permis de croire que, si plusieurs des invertébrés ont pris tant d’importance dans les premiers jours primaires,