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comparer l’état présent du monde animé avec ses états antérieurs.

Le rôle des organismes inférieurs est immense. La vie est partout. Les microbes sont en nombre indéfini. Des roches que l’on croyait d’abord appartenir uniquement au domaine de la minéralogique, entrent pour une bonne part dans le domaine de la biologie. Par exemple un des plus grandioses spectacles offerts dans le Parc national des Montagnes Rocheuses est celui des terrasses de Travertin des Mammoth Hot Springs ; or voici que M. Weed nous déclare que leur formation est surtout l’œuvre d’algues qui, fixant l’acide carbonique des eaux chargées de carbonate de chaux, amènent la précipitation du calcaire. Quand des Mammoth Hot Springs on se rend dans la région des geysers, on voit, au lieu de dépôts de calcaire, des dépôts de silice qui rendent cette région blanche comme neige ; la silice est fixée aussi par des algues ; ce qu’on prend parfois pour de la silice gélatineuse n’est qu’une matière végétale.

Ainsi que les plantes, les animaux inférieurs sont tellement nombreux sur quelques points qu’ils contribuent à la formation des roches. Plancus, selon d’Archiac, a calculé que trois grammes de certains sables de la mer des Antilles renferment 480 000 coquilles de foraminifères. M. Schlumberger, dans la vase de l’Atlantique, rapportée par l’expédition du Travailleur, constate 116 000 coquilles de foraminifères par centimètre cube.

Les polypes construisent des atolls, des récifs franges et même des îles ; si les fonds des mers étaient mis à découvert, nous verrions sans doute des roches coralliennes non moins étendues que celles de Fétage secondaire appelé Coralrag.

On dit que les coquilles d’éthérées forment au Sénégal de telles couches qu’elles sont exploitées pour la fabrication de la chaux et que, près de la Nouvelle-Orléans, sur les bords du lac Pontchartrain, les Gnathodon constituent un banc de 7 kilomètres de long sur 60 mètres de large et 5 mètres de haut.

M. Sauvage, auquel on doit d’important travaux sur les animaux marins, a bien voulu me donner les renseignemens suivans : le nombre des huîtres enregistrées dans la statistique du ministère de la marine pour une seule année atteint le chiffre prodigieux de 1 407 390 400. Dans la même année, on compte 631 300 hectolitres de moules et 248 000 hectolitres de mollusques autres que les moules et les huîtres. M. Sauvage évalue à 2 200 000 les homards ou langoustes et à 16 milliards les crevettes (crangons et palémons), à 1 milliard, 80 millions les sardines, à 400 millions les harengs (toujours en une seule année). La morue, le