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Parmi les vertébrés, la plupart sont faciles à distinguer, mais le plus souvent ce n’est point parce qu’ils présentent des particularités inconnues, c’est parce qu’ils réunissent des caractères actuellement répartis entre des classes distinctes. Ainsi l’habile paléontologiste M. Seeley décrit en ce moment des quadrupèdes du Trias de l’Afrique australe qui diminuent la distance entre les reptiles et les mammifères ; l’Ichthyosaurus, cité comme un des fossiles les plus extraordinaires, rappelle les poissons par ses vertèbres, les mammifères marins par ses nageoires de devant, les reptiles par ses autres caractères ; quoique le Pterodaclylus appartienne certainement à la classe des reptiles, sa manière de voler avait de l’analogie avec celle des mammifères ; l’Iguanodon est un reptile où les membres de derrière annoncent ceux des oiseaux ; réciproquement l’Archæopteryx : est un oiseau qui a des souvenances reptiliennes. En réalité les fossiles secondaires, qui ont tant étonné les paléontologistes par leurs singularités, établissent des liens entre les êtres animés, au lieu de révéler des lacunes.

Dans l’ère tertiaire, les genres actuels, rhinocéros, tapir, sanglier, gazelle, éléphant, hyène, chat, ours, etc., apparaissent tour à tour. On trouve non seulement des genres, mais des espèces si voisines des formes vivantes qu’il est difficile de ne pas admettre leur proche parenté.

Enfin, dans les temps quaternaires, les espèces sont pour la plupart identiques avec celles d’aujourd’hui, ou si peu différentes qu’on les considère simplement comme des races. Il est impossible de marquer une limite entre les êtres qui ont existé avant nous et ceux qui vivent près de nous.

Il faut donc reconnaître que le monde fossile n’est pas distinct du monde actuel ; il n’y a qu’un monde unique qui s’est continué depuis les plus anciens âges jusqu’à nos jours. Il peut être étudié comme un individu ; de même que nous suivons le développement d’un individu à travers ses différens âges, nous suivons le développement du monde animé à travers les phases de son existence que nous appelons les époques géologiques.

Lorsqu’un vieillard éprouve le poids des ans, il sent bien que sa jeunesse s’est enfuie ; mais à quel moment a-t-il passé de l’enfance à la jeunesse, puis à l’âge mûr et à la vieillesse ? Il ne le sait point ; les phases de sa vie se sont déroulées peu à peu. Il en a été de même pour l’ensemble des êtres. Le monde n’a plus aujourd’hui la physionomie qu’il avait autrefois ; dans quels instans a-t-il passé de son état primaire à son état secondaire, de celui-ci à son état tertiaire, de celui-ci à son état quaternaire ou