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ESSAI
DE
PALÉONTOLOGIE PHILOSOPHIQUE

I
MULTIPLIGATION DES ÊTRES,

LEUR DIFFÉRENCIATION ET LEUR ACCROISSEMENT

PENDANT LES TEMPS GÉOLOGIQUES.

Si récentes qu’elles soient sur la terre, les créatures pensantes aspirent à connaître les origines de la grande nature qui les a précédées et les environne. Les philosophes ont longuement discuté sur le développement des êtres. Il est utile qu’à leur tour les paléontologistes apportent leur avis ; car les philosophes n’ont présenté que des vues de leur esprit ; ils n’ont pas eu de bases objectives. Pour saisir l’histoire du monde animé, il faut interroger les êtres fossiles.

La paléontologie a changé de face depuis l’époque où Cuvier en a jeté les bases. L’étonnement causé par les étranges et gigantesques créatures enfouies dans les pierres entraîna à les chercher

[1]

  1. En 1707, Leibniz, après avoir émis la supposition qu’on trouvera des êtres établissant des transitions dans la nature, ajoutait : Je suis convaincu qu’il doit y en avoir de tels que l’histoire naturelle parviendra peut-être à connaître, quand elle aura étudié davantage cette infinité d’êtres vivans que leur petitesse dérobe aux observations communes et qui se trouvent cachés dans les entrailles de la terre et dans l’abîme des eaux. Nous n’observons que depuis hier : comment serions-nous fondés à nier la raison de ce que nous n’avons pas encore eu l’occasion de voir ? Le principe de continuité est donc hors de doute chez moi et pourrait servir à établir plusieurs vérités importante dans la philosophie... Je me flatte d’en avoir quelques idées, mais ce siècle n’est point fait pour les recevoir.