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entier dans chaque milieu qu’il rencontre sans changer de direction. M. Röntgen a constaté que tel était le cas pour les rayons qu’il découverts, et cette seule circonstance laisse peu d’espoir qu’on puisse arriver jamais à établir un rapprochement entre la lumière et les nouvelles radiations.

Cette absence de la réflexion ou de la réfraction a d’ailleurs été vérifiée par d’autres méthodes. Pour la réfraction, la plus directe est évidemment l’emploi du prisme : de l’eau et du sulfure de carbone, renfermés entre des lames de mica qui forment un angle de 30 degrés, n’ont pas donné trace de déviation, pas plus sur la plaque photographique que sur l’écran phosphorescent. Cette expérience a été répétée depuis par M. Perrin, qui en a communiqué les résultats à l’Académie des sciences dans la séance de lundi dernier. La lumière qui traverse un cristal se divise en général en deux faisceaux ; elle présente des propriétés particulières ; on exprime ce fait en disant que le passage à travers un cristal la polarise. M. Röntgen n’a rien constaté de semblable ; on pouvait s’y attendre : la polarisation est la conséquence du fait que le cristal ne peut laisser se propager, dans une direction déterminée, que des rayons dont la vibration à une orientation déterminée ; si des rayons ne se réfractent pas, toute direction leur est indifférente ; il ne se produit pas de séparation et par suite pas de polarisation.

Les caractères essentiels que je viens de résumer ont conduit M. Röntgen à conclure d’une façon tranchée que les rayons qu’il a découverts, et qui procèdent des rayons cathodiques, n’ont de commun tant avec ceux-ci qu’avec les rayons lumineux que le milieu dans lequel ils se propagent. Cette conclusion n’a pas été admise sans réserves dans le monde des physiciens. M. A. Schuster, en Angleterre. M. Poincaré, en France, pour ne citer que ces deux noms illustres, ont été d’avis qu’il est impossible de formuler avec certitude une pareille opinion ; ils déclarent que de nouvelles expériences sont nécessaires. Attendons les résultats des recherches entreprises ; espérons surtout qu’elles parviendront à perfectionner le procédé actuel, et à doter la médecine du plus puissant moyen d’investigation interne qu’elle ait jamais pu souhaiter.


C. RAVEAU.


Le Directeur-gérant,

F. BRUNETIERE.