dont les derniers journaux publiés à Paris avant le siège révélaient la trace, par rapport aux dispositions des puissances étrangères. M. Thiers, qui arrivait fort peu satisfait de sa course à Londres, l’avait été davantage à Vienne du langage de l’empereur et de celui du comte de Beust. Il espérait assez de la Russie. Je le mis au courant de la situation et je lui lus mes derniers télégrammes qui le rendirent un peu soucieux. Nous arrivâmes ainsi à Tsarkoë-Selo, où nous trouvâmes le baron Jomini qui vint au-devant de nous sur l’escalier du palais et nous reçut avec sa bonne grâce habituelle. Il connaissait déjà M. Thiers et le conduisit immédiatement chez le chancelier, dont M. Thiers était aussi une ancienne connaissance. Ces deux hommes d’État s’étaient vus à plusieurs reprises sous l’empire, tant à Bade qu’à Paris, et avaient une sympathie naturelle l’un pour l’autre. Je rentrai chez moi pour attendre un peu fiévreusement les résultats de cette importante entrevue qui dura près de trois heures et dont, malgré les probabilités contraires, je voulais espérer d’importans résultats.
Quand M. Thiers revint chez moi, je m’aperçus promptement que, s’il avait été très satisfait de l’accueil personnel du chancelier, il n’avait malheureusement guère obtenu plus pour nos intérêts que ce qui m’avait été dit à moi-même. La conclusion de l’entretien était qu’il fallait traiter, et le plus tôt possible ; on pourrait, si nous le voulions, nous aider à le faire ; on conseillerait de nouveau la modération au vainqueur. Si Paris tenait encore quelques jours, à plus forte raison quelques semaines, ce serait une force pour nous ; et si M. Thiers se chargeait ou était chargé de la négociation, le résultat n’en serait que meilleur et plus favorable à nos intérêts. Enfin le prince Gortchacow avait répété que, si un congrès était réuni après la guerre, la Russie dirait hautement sa manière de voir sur les conditions de la paix et chercherait à nous les rendre favorables. Cette déclaration aurait eu, sans doute, une grande importance, si, dans le même moment, par une contradiction que j’ai déjà signalée, et qui ne pouvait s’expliquer que par des engagemens contractés récemment envers la Prusse, le gouvernement russe, croyant, nous disait-il, être plus utile à nos intérêts en n’adressant pas à Berlin des représentations officielles et publiques, n’avait pas cherché et réussi à arrêter tout effort collectif des puissances neutres en notre faveur. La conséquence de son action diplomatique générale était donc d’empêcher en fait, malgré ses déclarations favorables à nos représentans, la réunion d’un congrès qui n’aurait été possible qu’autant que les puissances eussent été d’accord pour la provoquer.