projet de composer quelque chose de semblable. Je me mis à l’œuvre en sortant de l’église ; tout nouvel accord que je trouvais me remplissait d’un bonheur enfantin. »
Dès ce moment, sa curiosité, sa soif de savoir s’étaient éveillées. Lisbeth, dit-il un jour à sa sœur d’un ton très sérieux, cesse donc de raconter de pareilles absurdités au sujet des enfans qu’apporteraient les cigognes. L’homme est un mammifère ; et comme tel, nécessairement, il procrée lui-même ses enfans. » Il lui disait une autre fois : Lisbeth, as-tu jamais songé à te demander pourquoi toi et moi nous apprenons si facilement toutes choses ? Moi, vois-tu, j’y pense sans cesse. Et je me demande si ce n’est pas notre cher papa qui, là-haut, obtient pour nous d’avoir de si bonnes idées. »
Frédéric Nietzsche avait treize ans lorsqu’il quitta Naumbourg pour continuer ses études au célèbre gymnase de Pforta, une sorte de collège modèle, où n’étaient admis que des élèves de choix. C’est en arrivant à Pforta qu’il écrivit l’Autobiographie dont j’ai cité quelques passages. Il entreprit en même temps de rédiger son Journal, où il épanchait, tous les soirs, le torrent de ses pensées. Il y écrivait, par exemple, le 15 août 1858 : « À la considérer de plus près, la vie de l’école est une action qui se développe sans cesse, et qui, malgré l’apparente monotonie de ses exercices, revêt sans cesse un nouvel intérêt. On dit couramment que les années d’école sont de dures années : oui, mais ce sont aussi des années d’une portée énorme pour la suite de la vie ; et pourtant il est vrai que ce sont des années très dures, car l’esprit y est jeune et frais, et doit se soumettre cependant à d’étroites contraintes. Encore, pour beaucoup de ceux pour qui elles sont dures, ces années sont-elles en même temps sans aucun proflt : car il n’est point aisé de savoir les utiliser. La règle principale pour y parvenir est de se développer également et concuremment dans toutes les sciences, dans tous les arts, et dans toutes les aptitudes, et de telle façon que le développement du corps aille de pair avec celui de l’esprit. Il n’y a rien dont on doive se garder comme des études trop exclusives, et consacrées à un seul objet. Il faut lire tous les écrivains, et cela pour plusieurs motifs, en faisant attention tout ensemble à la grammaire, à la syntaxe, et au style, et à l’importance historique, et au contenu intellectuel et moral. On devrait aussi mener de front la lecture des poètes grecs et latins avec celle des classiques allemands, en comparant leurs points de vue. De même l’histoire ne devrait pas être séparée de la géographie, les mathématiques de la physique et de la musique : à ce prix seulement, l’arbre de la science porterait de beaux fruits, animé d’un unique esprit, éclairé d’un unique soleil. »
Et de fait, durant les premières années qu’il passa à Pforta, Frédéric Nietzsche fut un élève incomparable, s’intéressant à tout, portant à