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prise d’estimer ses professeurs de rhétorique au taux des succès que leurs élèves obtiennent au baccalauréat. Pour l’administration, le meilleur professeur de rhétorique est celui qui fabrique le plus de bacheliers. Mais la faute est surtout celle des juges eux-mêmes de l’examen, je veux dire de nos professeurs de facultés, dont beaucoup aujourd’hui n’ont guère fait que traverser en courant l’enseignement secondaire ; qui ont perdu, tandis qu’ils préparaient laborieusement leur doctorat, le sentiment de ce qu’ils étaient jadis, quand ils préparaient leur baccalauréat ; et qui ne savent ainsi ni ce qu’ils peuvent ni ce qu’ils doivent exiger d’un enfant de seize ans. Tel est évidemment ce professeur de littérature qui demandait aux candidats, il y a quelques années, de discuter l’Esthétique de M. Zola ; ou tel encore ce philosophe qui leur proposait, l’an dernier, je crois, d’examiner : Si la conscience est un épiphénomène de la vie physiologique ! Et pourquoi n’ajouterais-je pas que, si l’on ne fait bien que ce que l’on fait avec un peu d’amour ou de passion, nos professeurs de facultés ont le grand tort de ne voir, et de laisser voir qu’ils ne voient dans les examens du baccalauréat qu’une besogne ou une « corvée » pour eux. Nos classes de rhétorique et de philosophie, à Paris et ailleurs, sont ce qu’elles doivent être ; et ni les élèves ne sont moins intelligens ou moins laborieux qu’autrefois, ni les professeurs moins consciencieux, si peut-être même ils ne le sont davantage ; mais ce sont nos professeurs de facultés qui ne font pas du baccalauréat l’estime qu’ils en devraient faire. Soyons-en sûrs : ce sont les plaintes que nos professeurs de facultés en ont faites qui ont discrédité l’examen du baccalauréat, mais ce sont eux qui sont responsables, eux seuls ou presque seuls, de ce que ces plaintes elles-mêmes peuvent avoir de justifié. Ils ne sont pas assez exigeans. Et il fallait bien une fois le dire, si ce n’est pas eux qui le diront, sans doute, et puis, si l’indication du remède ne saurait se tirer, en bonne thérapeutique, que de la connaissance de la vraie nature ou de la cause du mal.

Nous voyons en effet maintenant ce qu’il nous faut penser, tant de la substitution du certificat d’études au baccalauréat, que de la suppression pure et simple du baccalauréat lui-même. La suppression pure et simple, il n’y faut pas songer, puisqu’elle ne ferait à vrai dire que déplacer la difficulté. Si nous admettons, — et comment ne l’admettrions-nous pas ? — que nos Ecoles de droit ou de médecine exigent de leurs élèves un diplôme de capacité, du moment que les Facultés des sciences et des lettres n’en délivreront plus, il faudra donc que les Écoles de médecine et de droit fassent elles-mêmes passer, sous un autre nom, l’examen qui donnera l’accès de leurs cours ; et qu’y aura-t-il de changé ?