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ministre, et de trois ou quatre candidats que lui présentera le Conseil général de l’Université, s’il continue de lui être loisible. comme cela se voit tous les jours, de choisir le dernier sur la liste, je comprends parfaitement que l’État se réserve ce droit, et je ne lui dispute pas, mais il ne faut pas que l’on nous parle en ce cas d’«indépendance » ou de « liberté ». D’un bout de la France à l’autre bout, si l’Université de Lyon n’est pas maîtresse d’appeler à elle un professeur éminent de l’Université de Lille ou de Nancy ; et, quand une donation ou un legs permettront d’instituer une chaire nouvelle, s’il n’appartient pas uniquement à l’Université qu’on en a gratifiée, d’en désigner le premier titulaire, il n’y a rien de fait, si j’ose user ici de cette expression familière, et il n’existe pas. À vrai dire, d’Universités. On n’en a que le nom sans la chose ; l’ombre et non la réalité ; la vaine apparence au lieu de la substance.

Or les partisans les plus déterminés de la loi des Universités sont-ils prêts à consentir cet abandon de pouvoir ? Ou sont-ils prêts encore, ainsi que le demandait jadis M. Challemel-Lacour, — non pas du tout, on se le rappelle, par aucun esprit de tendresse ou de faveur pour la loi, sont-ils prêts seulement à laisser chaque Université régler son budget comme elle l’entendra, et lui permettront-ils, entre autres libertés, d’attribuer à telle chaire, pour des raisons dont elle sera seule juge, un crédit double, ou triple, ou quadruple de celui qu’elle affecte à une autre chaire ? Ou sont-ils enfin prêts à lui donner le droit d’organiser à son gré ses programmes ; de n’y tenir compte que des intérêts « propres à chaque région » ; d’avoir chacune à soi « son petit religion, » je veux dire « sa formule d’enseignement supérieur ? » Mais, s’ils n’y sont pas prêts, — et collectivement, dans un pays comme le nôtre, s’ils ne peuvent pas prendre, pour « assurer l’unité des consciences et des volontés », les moyens que l’on prendrait partout ailleurs si l’on voulait la rompre, — il ne s’agit donc presque plus que d’une question de mots ; et la substitution des Universités aux corps de Facultés n’est plus qu’une affaire d’amour-propre. On en convient d’ailleurs, et que ce qui leur manque surtout aujourd’hui, « c’est un nom, un nom nécessaire, qu’elles ont déjà reçu de l’usage courant, mais qu’elles ont besoin de tenir de la loi, comme une consécration de leur existence. » C’est ce qui s’appelle, entre parenthèses, respecter les intentions des pouvoirs publics ! et nos Chambres, depuis quinze ans, s’étant constamment opposées à la transformation des Facultés en Universités, nous pouvons voir une fois de plus ici l’estime que l’on fait des «vœux du pays » — lorsqu’ils sont contraires à ceux de l’administration.