comme intermédiaire momentané des relations entre les deux pays. S’il en était autrement, je n’avais qu’à me retirer, et j’en informerais sans retard le nouveau ministre des affaires étrangères qui aviserait. Le chancelier, qui avait connu mon père, ambassadeur en Suisse sous la Restauration, et m’avait toujours montré beaucoup de bienveillance depuis trois ans que j’occupais le poste de premier secrétaire de l’ambassade, m’assura, après avoir pris les ordres de l’Empereur, que Sa Majesté me verrait avec plaisir demeurer en Russie et y exercer les fonctions auxquelles je venais d’être appelé.
J’acceptai donc ce poste, qui ne fut certainement pas une sinécure pendant les dix mois que je l’occupai jusqu’à mon envoi à Berlin. La Russie n’ayant pas remplacé son dernier ambassadeur, le comte de Stackelberg, c’est par mon intermédiaire et celui de M. Okouneff, chargé d’affaires de Russie à Paris, que furent échangées les communications des deux cabinets, jusqu’à l’envoi du prince Orloff à Paris et du général Leflô à Saint-Pétersbourg, c’est-à-dire jusqu’au mois de juin 1871.
Dès le lendemain, 8 septembre, et jusqu’au 18 du même mois, jour où Paris fut investi par les armées allemandes et où je repris avec M. de Chaudordy, à Tours et à Bordeaux, la correspondance forcément interrompue par le siège, j’entretins par le télégraphe avec le nouveau ministre des a flaires étrangères une correspondance dont le but était, de sa part, d’obtenir le concours de la Russie en notre faveur ; et, de la mienne, de lui rendre compte de mes tentatives incessantes pour atteindre ce but, non moins que des obstacles de toute nature que nous rencontrions dans l’ensemble de la situation générale. Les télégrammes que m’adressait M. Jules Favre et que je viens de relire étaient inspirés par des sentimens très patriotiques ; mais, sous l’empire de la surexcitation au milieu de laquelle il écrivait, il tenait peu de compte des réalités. La responsabilité qu’il avait prise vis-à-vis de son pays l’effrayait à juste litre et le jetait souvent dans les exagérations d’un langage plus philosophique que politique et qui ne servait pas la cause nationale. Sa fameuse circulaire du 6 septembre, où il disait que la France ne céderait pas un pouce de son territoire, ni une pierre de ses forteresses, pouvait être utile à Paris et en vue des nécessités de la défense, mais les cabinets étrangers devaient en conclure à l’impossibilité d’entrer utilement en discussion avec le gouvernement nouveau. Ce fut le cas à Saint-Pétersbourg. Quand je vis le chancelier, après qu’il eut pris connaissance de cette circulaire, il me dit : « Il faut pourtant bien vous préparer à quelques sacrifices. Pas une pierre