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Un certain nombre d’amateurs vont même plus loin : ils recherchent la vitesse au détriment de l’instinct. Ils croisent par exemple leurs pigeons belges avec des ramiers. Les produits sont doués d’une puissance musculaire considérable, mais l’instinct des oiseaux obtenus par de semblables croisement laisse beaucoup à désirer. Sur vingt pigeons de sang mêlé, dix-huit se perdront dans les concours, mais deux arriveront, et en raison de leur vitesse gagneront les deux premiers prix. Les concours actuels ont donc peut-être l’inconvénient de primer trop exclusivement la vitesse alors que l’instinct doit être la qualité maîtresse du pigeon. L’oiseau dont le vol sera exceptionnellement rapide devancera d’une demi-heure à peine, sur un parcours de 400 kilomètres, ses concurrens moins vigoureux. Cette différence de vitesse étant sans grande importance dans la pratique il conviendrait donc avant tout de rechercher pour la correspondance le pigeon dont le retour est assuré dans toutes les circonstances.

Quoi qu’il en soit, malgré les critiques qu’on peut formuler sur leur organisation, les concours ont rendu et rendent encore un service signalé. C’est grâce à eux que la race des pigeons voyageurs belges a conservé et même développé les qualités acquises dans les générations précédentes. Alors qu’en 1826 quelques colombophiles demandaient à leurs pigeons, comme un véritable tour de force, d’accomplir le trajet de Lyon à Verviers, il n’est pas aujourd’hui de petite société du nord de la France qui n’exécute des lâchers à Bayonne, à Perpignan, sur le littoral méditerranéen ou même en Corse. Nous possédons actuellement dans des colombiers répartis sur toute la superficie du territoire plus de 100 000 pigeons entraînés capables de traverser la France entre le lever et le coucher du soleil ; les colombophiles sont tous groupés en sociétés. Le moment n’est-il pas venu de tirer parti de cette organisation et d’assigner au sport colombophile un but pratique immédiat ? Si nous le voulons, la poste aérienne sera créée demain.


III

Nous venons de montrer quels résultats pouvaient obtenir les colombophiles stimulés par le désir de se distinguer dans les concours ; il est juste d’ajouter que quelques-uns d’entre eux, cherchant sans doute à atteindre un but plus pratique, soumettent chaque jour leurs élèves à des épreuves très variées. Ces divers essais ont permis de fixer un certain nombre de points importans à connaître.

Pendant combien de temps le pigeon conserve-t-il le souvenir