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ses légions qui avaient pour elles sinon la supériorité de l’armement, du moins la discipline et le nombre ; il s’attaquait immédiatement aux forces organisées de l’adversaire et pouvait écrire Le soir de la première bataille : Veni, vidi, víci. Et quand, quelques jours plus tard, le vainqueur montait au Capitole, songeait-il aux utiles messagers, aux pigeons, qui, dès la première heure, avaient porté avec la rapidité de l’éclair les renseignemens sur l’ennemi, avaient été l’organe essentiel de la mobilisation, et qui avaient tant contribué à donner aux mouvemens des légions le secret et la vitesse, ces deux élémens du succès ?

L’emploi de la poste aérienne tend à se généraliser de plus en plus vers la fin de l’empire : ce ne sont plus, il est vrai, des messages de victoire que portent les pigeons ; ils annoncent aux descendans déchus des maîtres du monde les seules nouvelles les intéresseront désormais : le résultat des courses de chars, des régates, ou encore le succès de tel ou tel gladiateur.

L’histoire relate bien des faits intéressans concernant l’emploi des pigeons au moyen âge. La nouvelle de la prise de Damiette par saint Louis se répandit avec une rapidité que Joinville explique : «Les Sarrasins annoncèrent au Soudan par coulons messagers que le roi est arrivé. »

A une époque moins reculée, les pigeons ont joué parfois un rôle important dans les sièges, notamment à Harlem et à Leyde ; ils ont relié avec la mère patrie des corps expéditionnaires opérant dans des pays lointains. Faut-il rappeler les pigeons de Saint-Marc, que Venise entretient depuis le XIIIe siècle en souvenir des services qu’ils rendirent alors à la République ? Le doge Dandolo assiégeant Candie put rester en relations quotidiennes avec la République, et par cette voie réussit à obtenir des renforts. Bientôt Venise, alors à l’apogée de sa puissance, compta une conquête de plus.

Pendant le blocus continental, tandis que les relations postales étaient interrompues entre l’Angleterre et le reste de l’Europe, certains financiers du continent communiquaient fréquemment par pigeons avec leurs correspondans de Londres.

Quand la vie normale reprit son cours en Europe, on oublia les services que la poste par pigeons est susceptible de rendre ; les modes de correspondance perfectionnés ne manquaient pas d’ailleurs. La colombophilie ne fut plus pratiquée que par les amateurs de sport qui eurent du moins le mérite de conserver et d’améliorer les races de pigeons qui leur avaient été transmises. Un épisode de la guerre de 1870 vint rappeler que même de nos jours on peut tirer un utile parti de la poste aérienne. Paris assiégé