Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 133.djvu/648

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commun, le nomade ? Dans le premier conflit entre la civilisation et la barbarie, le pigeon ne fut peut-être pas le moindre auxiliaire de la bonne cause. Les Phéniciens, les Persans, les Mèdes, les Assyriens avaient tous organisé une poste aérienne dont le fonctionnement ne laissait rien à désirer. Babylone était reliée de la même manière aux villes de la Turquie d’Asie et à l’Égypte elle-même.

Les Grecs empruntèrent aux Asiatiques le goût de la colombophilie. L’histoire a conservé le souvenir de cet athlète de l’île d’Egine qui, vainqueur aux jeux olympiques, annonçait le jour même son triomphe à ses concitoyens en leur envoyant une dépêche portée par un pigeon.

Les Romains employèrent eux aussi la poste aérienne ; leur première préoccupation fut d’améliorer par la sélection les races existantes. Pline nous apprend qu’on payait très cher les animaux dont les ascendant avaient fait leurs preuves. Il y avait à Rome et dans la plupart des villes de l’empire des colombiers pouvant contenir de 5 000 à 10 000 pigeons. Les Romains étaient gens pratiques ; ils visaient avant tout le résultat utile, et nous avons tout lieu de croire qu’ils surent tirer de la colombophilie le rendement maximum qu’elle pouvait donner.

Il n’est pas sans intérêt de rappeler par quels moyens les Romains réussissaient à maintenir leur domination dans les provinces récemment annexées : ils organisaient tout d’abord le service des renseignemens. Puis un réseau de télégraphie optique reliait bientôt les points importans de la contrée : la poste par pigeons suppléait le télégraphe aérien, dont les signaux n’étaient pas visibles à toute heure et en toute saison dans des pays brumeux tels que la Gaule. Enfin, des routes stratégiques permettant une concentration rapide complétaient ce système de communications. Dans ces conditions, il n’était pas nécessaire d’éparpiller des troupes nombreuses sur la périphérie de l’immense empire pour en assurer la défense ; un corps d’occupation stationné dans une province frontière était chargé de tenir tête aux insurrections locales, Les projets de l’ennemi étaient le plus souvent connus d’avance, grâce à la bonne organisation de l’espionnage ; il était par suite assez facile de proportionner les moyens de répression aux ressources dont on savait l’adversaire pourvu.

Si le soulèvement prenait de graves proportions, le corps d’occupation ou plutôt de couverture, comme on dirait aujourd’hui, luttait pied à pied en évitant de s’engager à fond pour gagner du temps et couvrir la mobilisation et la concentration qui s’opéraient avec rapidité. Bientôt César apparaissait suivi de