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politique de la compagnie ? C’est ce qui nous reste à examiner.


III

Lorsqu’on regarde une carte d’Afrique et qu’on la compare à celles d’il y a vingt ans, on y voit que d’immenses espaces, alors inconnus ou à peu près, sont aujourd’hui colonisés ou tout au moins explorés ; les noms de villes, de forts, de stations, surgissent de toutes parts ; les lignes de chemins de fer, de télégraphe pénètrent le continent noir. Une des plus vastes places de l’Afrique australe est occupée par les territoires de la Chartered. Elle enveloppe au nord et à l’ouest le Transvaal, connu officiellement sous le nom de République sud-africaine : elle n’est arrêtée vers l’océan Atlantique que par les possessions portugaises et allemandes ; au nord-ouest par l’État libre du Congo ; à l’est par les établissemens allemands et portugais, resserrés entre ses domaines et l’océan Indien. Vers le sud, elle touche au Bechuanaland, dont la partie septentrionale est sous le protectorat britannique, et dont le reste est annexé à la colonie anglaise du Cap, laquelle occupe toute l’extrémité sud du continent africain. Entre celle-ci et le Transvaal s’étend l’État libre d’Orange, tandis que le Basutoland, Natal et le Zululand continuent vers la mer indienne la chaîne des pays soumis à l’influence britannique.

Au point de vue des nationalités qui occupent les divers territoires, les Boers, c’est-à-dire les descendans de familles hollandaises et aussi de huguenots français réfugiés en Hollande, forment le fond de la population du Transvaal et de l’État d’Orange ; ils sont en grand nombre dans la colonie du Cap, où ils neutralisent en partie l’influence anglaise. Les Boers sont des pasteurs, jaloux de leur indépendance, prêts à prendre les armes pour la défense de leurs droits : ils l’ont prouvé des 1881 en infligeant aux Anglais la sanglante défaite de Majuba hill ; ils viennent de le montrer une seconde fois en écrasant la tentative d’invasion du docteur Jameson, qui comptait, paraît-il, que les habitans de Johannesburg se soulèveraient à son approche et viendraient se joindre à lui.

Il est trop tôt pour écrire l’histoire encore obscure de ces événemens qui remontent à un mois et qui ont surpris l’opinion publique européenne, bien que les intéressés en Afrique y fussent préparés depuis quelque temps. C’est à peine si nous savons avec quelque exactitude le détail des opérations militaires de cette campagne de quatre jours ; le 29 décembre, Jameson et sa troupe franchissent