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du Nyassaland confiée à la Chartered et annonce que les revenus du Mashonaland couvrent déjà les frais. Le rapport évalue à 750 000 milles carrés les domaines sur lesquels s’étend maintenant, sous pavillon britannique l’action de la compagnie. C’est plus que la superficie de la France, de l’Allemagne, de l’Autriche et de l’Italie réunies. Ce même document contient une liste des fonctionnaires et officiers de la Chartered, parmi lesquels nous relevons le nom du vicomte de la Panouse, comme field-cornet pour le district de Mazoe. Il énumère les lois et ordonnances publiées, notamment sur le commerce des armes à feu, monnaies, poids et mesures, fournit la statistique des communications postales et télégraphiques, des licences délivrées aux hôteliers, commerçans, médecins, etc.

Mais ce qui donne à cette assemblée un intérêt tout particulier, c’est la présence de l’illustre Cecil Rhodes, pour lequel les ducs n’ont pas assez d’éloges et qui prend la parole au milieu des applaudissemens enthousiastes de ses actionnaires. Il retrace en termes énergiques l’œuvre accomplie en peu d’années, la marche en avant de 1 600 kilomètres, cette occupation d’un pays neuf, plus difficile, dit-il, que la conquête d’un vieux pays a population dense. Lui-même paie à son tour un tribut d’admiration au docteur Jameson qui, après une « promenade» de 1 100 kilomètres chez le chef Gungunhana, revient tremblant la fièvre et, sur un simple mot de Rhodes, repart prendre possession de son-poste ; là il réduit les dépenses, augmente les recettes, avec 40 hommes tient en respect 400 Portugais, contre lesquels « il eut une petite dispute ». En même temps, chemins de fer et télégraphes se construisent. M. Rhodes reçoit de l’argent des grands banquiers de Londres auxquels il exprime sa gratitude pour cette souscription patriotique, que plusieurs d’entre eux considéraient comme faite à fonds perdus. Il tient à occuper sans délai les territoires au nord du Zambèze, ne voulant pas « croquer la cerise en deux fois » : I did not think it right to take two bites at a cherry. Tout ce discours de M. Rhodes, émaillé de saillies imprévues et de considérations humoristiques, mériterait d’être reproduit. Certains passages prennent une saveur étrange quand on les rapproche des derniers évènemens, celui-ci par exemple : « Je suis dans les meilleurs termes avec le président Krüger. »

L’année suivante, le 20 novembre 1893, une assemblée extraordinaire se réunissait pour prendre acte d’importantes communications financières et politiques que le conseil avait à lui faire ; le capital de la Chartered a été doublé et porté à deux millions d’actions d’une livre sterling chacune, soit 50 millions de francs.