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hebdomadaire officieux du gouvernement prussien, refléta ces dispositions favorables, et je trouvai désormais à la chancellerie fédérale, comme au ministère des affaires étrangères, je ne dirai pas un bon vouloir que j’avais déjà rencontré, mais un sincère désir de hâter, autant que possible, le règlement des questions délicates qui étaient depuis trop longtemps en suspens. Je dois ajouter que, du côté de l’ambassade, aucun effort ne fut négligé pour faire comprendre l’importance que nous attachions à maintenir de bons rapports, et que, plus d’une fois, nous fûmes à même de constater la justice que l’on rendait aux efforts de la France et de ses représentans.

Il parut dès lors possible d’arriver au rétablissement des deux ambassadeurs qui donneraient par leur présence à Paris et à Berlin la consécration la plus formelle de cet accord entre les deux gouvernemens. On venait de voir. par ce qui s’était passé pour la convention signée par M. de Manteuffel, en dehors de l’initiative du chancelier, l’inconvénient de disséminer les négociations sur plusieurs terrains à la fois. Le prince de Bismarck devait désirer, par suite, que la présence d’envoyés investis du plus haut caractère diplomatique permit de centraliser le terrain des négociations dans nos deux capitales, et le prince Gortchacow, que je vis à son passage par Berlin, au retour de son congé annuel, m’assura que les dispositions du chancelier allemand étaient bien conformes à cette manière de voir.

Le comte Arnim était déjà à Paris en mission extraordinaire : successivement ministre à Cassel, à Munich et à Rome, il était d’avance l’ambassadeur désigné, et il faisait ses efforts pour déterminer M. Thiers à s’occuper du choix d’un ambassadeur dont la désignation amenât la sienne par réciprocité. Pour nous, le choix était plus difficile. L’idée de M. Thiers, à mon avis, très fondée, était d’envoyer à Berlin un membre de l’Assemblée nationale qui représentât la fraction de cette assemblée alors en possession de la majorité. Il aurait eu plus d’autorité qu’un envoyé pris dans les cadres ordinaires de la diplomatie pour parler au nom de la France au lendemain de ses désastres, puisqu’il aurait voté lui-même, d’accord avec ses amis politiques et en vertu du mandat de ses électeurs, la ratification du traité de paix. C’était un de ces cas rares, à mon avis, où il convient de déroger aux règles habituelles et qui ne devrait se représenter que dans des circonstances exceptionnelles, comme celles où nous nous trouvions. Mais le poste était pénible à occuper. Cette incertitude me paraissant contraire aux intérêts du pays et pouvant durer assez longtemps, sans profit pour personne, je demandai à voir le prince de Bismarck. Ce fut dans cette entrevue particulière