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ce point que pourrait s’établir un accommodement, dont il reconnaissait la convenance à tous points de vue.

Je m’empressai de télégraphier à M. de Rémusat cet entretien qui arrivait fort à propos pour détendre la situation, très embrouillée, on le voit. Il me répondit immédiatement de reprendre l’entretien avec M. Delbrück et de tâcher de savoir par lui si M. de Bismarck verrait avec plaisir la venue de notre ministre des finances pour terminer cette délicate question. M. Delbrück écrivit aussitôt à Varzin dans le sens de notre précédent entretien. et je reçus de lui un billet dans lequel il me dit que le chancelier serait heureux de rencontrer M. Pouyer-Quertier à Berlin, où il se trouverait. A partir du 7 octobre, pour l’ouverture du Reichstag.

On sait que la mission de notre ministre des finances eut un plein sucres. Il est incontestable que ses qualités personnelles, son entrain et sa bonne humeur, contribuèrent à faciliter la signature de la convention du 12 octobre. Bien que M. Pouyer-Quertier eût seul les pleins pouvoirs du gouvernement, il me pria néanmoins d’être présent à la signature de la convention, à laquelle assistèrent seulement le prince de Bismarck et le comte Arnim. Le soir, nous dînâmes tous chez le chancelier. Dans ces deux entrevues. je fus témoin de la constante harmonie qui régna entre eux et à laquelle il est certain que le caractère sympathique de notre ministre des finances ne fut pas étranger. Les deux convives se tirent mutuellement honneur, et je dus reconnaître que, dans cette nouvelle passe d’armes renouvelée des héros d’Homère, où chacun d’eux cherchait à dominer son adversaire, le prince de Bismarck et lui conservèrent merveilleusement leurs positions. La lutte se continua entre eux le lendemain chez M. Bleichröder avec un égal succès et aucun des deux antagonistes ne dut s’avouer vaincu. J’en eus la preuve le soir même à l’Opéra, où M. Pouyer-Quertier entra d’un pas très ferme dans la loge où nous l’avions prié de venir entendre le ténor Niemann qui jouait dans le Prophète.

Mais, laissant de côté ces souvenirs anecdotiques que je demande pardon au lecteur d’avoir introduits au milieu d’autres si douloureux pour nous, il est incontestable que le voyage de M. Pouyer-Quertier et la signature de la convention du 12 octobre amenèrent dans les rapports des deux pays une détente heureuse qui se continua sans interruption pendant quelques semaines. Le langage de la presse devint meilleur des deux côtés. L’empereur, dans son discours d’ouverture au Reichstag, s’exprima dans un sens tout à fait pacifique. La Correspondance provinciale, organe