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mobiliser l’armée par un décret du roi. Et si le grief était à peu près plausible, l’Allemagne, tout en rechignant, mais nous sentant faibles, se remettrait en guerre pour achever notre destruction.

« Voilà ce qu’il importe que l’on sache bien en France et voilà pourquoi j’ai appelé à plusieurs reprises l’attention de M. Jules Favre et celle de M. Lambrecht[1] sur la nécessité de recommander à la presse la plus grande prudence. Les indiscrétions des journaux ont fait échouer la négociation de Compiègne qui, en toute hypothèse du reste, n’aurait pas abouti, car elle était faite en dehors de M. de Bismarck. Vous me pardonnerez d’être entré dans tous ces détails qui étaient nécessaires pour compléter ma dernière dépêche.

« Vous aurez eu par MM. de Clercq et de Goulard des détails sur le comte Harry d’Arnim qui va sans doute vous arriver bientôt. Je l’ai beaucoup connu à Munich, il y a six ans. Il y était déjà en possession de toute la confiance du prince de Bismarck, qui le tenait au courant de ses moindres projets.

« Je ne sais si le comte Arnim restera désigné pour Paris, après y avoir réglé les ail’ aires actuelles, qu’il va traiter uniquement comme commissaire prussien, survivant à la dissolution de la commission de Francfort. C’est assez probable, d’après quelques mots que m’a dits le prince de Bismarck, mais, pour le moment, sa mission n’a encore qu’un caractère temporaire.


IX. — ARRIVEE DE M. POUER-QUERTIER A BERLIN. — SIGNATURE DE LA CONVENTION DU 12 OCTOBRE.. — INCIDENS DIVERS. — NOMINATION DE M. DE GONTAUT A L’AMBASSADE.

A la suite de l’entretien dont je viens de rendre compte et du désaveu de la convention de Compiègne, M. de Bismarck partit pour Gastein, et le comte Arnim, conservant son titre de ministre à Rome, fut envoyé à Paris en mission extraordinaire. Pendant quelques jours, les feuilles à la dévotion du bureau de la presse développèrent le point de vue auquel le chancelier s’était placé et le firent en termes assez amers ; mais, peu à peu, l’animation se calma dans la presse des deux pays, et nous entrâmes dans une sphère d’apaisement relatif. Les intérêts, d’ailleurs, en cette circonstance, pouvaient nous rapprocher. M. Thiers, d’une part, souhaitait vivement de reprendre la

  1. Ministre du commerce et ensuite ministre de intérieur dans le cabinet de M. Thiers, qui avait pour lui beaucoup d’estime et de sympathie.