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arrivant à Berlin, je trouvai sur mon bureau, à l’Ambassade, le jour même où j’en prenais possession, l’instruction de me plaindre du procédé à la chancellerie fédérale. Ce n’était pas un très agréable début ; mais M. de Thile, vis-à-vis duquel j’exprimai mes regrets de devoir inaugurer mes fonctions par une réclamation de ce genre, voulut bien me donner des explications satisfaisantes et qui mirent fin à l’incident. Il était clair, néanmoins, que l’Allemagne était décidée à réclamer sans merci tout ce que le traité de paix lui donnait le droit d’exiger du vaincu.

Nous en eûmes bientôt une nouvelle preuve dans un autre incident plus sérieux qui motiva ma première entrevue avec le prince de Bismarck. Le général de Manteuffel qui, n’ayant pas de responsabilité politique, cherchait à adoucir le plus possible toutes les difficultés qui pouvaient survenir, et dont on se louait personnellement à Versailles, avait laissé voir sa disposition à hâter, en ce qui dépendait de lui, l’évacuation des départemens occupés par les troupes allemandes. Il s’était montré, par suite, favorable à l’idée de signer une convention, qui aurait amené la remise des forts de Paris encore occupés par l’armée prussienne et l’évacuation, au 31 août, des départemens de la Seine, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne et Oise, moyennant le paiement immédiat de 250 millions.

L’affranchissement de notre capitale et des départemens qui l’avoisinaient immédiatement, était le premier pas sérieux dans la voie de notre libération, et M. Thiers y attachait une légitime importance. Malheureusement, au lieu de traiter avec M. de Bismarck, soit par l’intermédiaire de l’ambassade à Berlin, soit par celui du chargé d’affaires d’Allemagne à Paris, le gouvernement français avait cherché à profiter des dispositions bienveillantes du général de Manteuffel, qui était alors à Compiègne, pour négocier avec lui. Un projet de convention avait été rédigé et envoyé directement par lui à la ratification de l’empereur, qui se trouvait alors à Coblentz. Le comte de Waldersee fut seulement prévenu par notre ministre des affaires étrangères de l’existence de cette négociation, et il avait répondu, — c’est du moins ce que M. de Rémusat m’écrivit après coup de Paris, — que bien qu’il regrettât que l’affaire n’eût pas passé par ses mains, il inclinait à croire que son souverain ratifierait la convention.

Je n’avais pas été mis au courant du projet, dont je ne fus informé qu’ultérieurement. Si l’on m’avait-consulté, j’aurais conseillé la marche régulière qui devait nous donner deux mois après un résultat satisfaisant par la signature de la convention du