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celle du potentat. Aussitôt, l’engouement qu’il inspirait se change en horreur, il devient le bouc émissaire chargé de toutes les responsabilités. La populace, idolâtre hier, furieuse aujourd’hui, assaille son bureau, prête à le lapider. Il lui fait face, empêche toute violence de la part de ses derniers défenseurs, et, sous une grêle de pierres, d’immondices, d’œufs pourris, de charognes, il oppose aux cris de vengeance et de mort un visage intrépide. Atherton a été le chef, le dieu de cette multitude enragée ; il sait encore se faire écouter d’elle ; inaccessible à la peur, il est inconsolable seulement d’avoir entraîné dans sa chute tout ce qui était son œuvre et son orgueil. Pour ce qui le regarde, il ne veut être protégé que par lui-même. L’apoplexie vient à son secours dans une lutte inégale ; c’est comme l’intervention d’un jugement de Dieu. Et le nom d’Atherton, désormais abhorré, est retiré à la ville qu’il avait d’abord faite grande et ensuite ruinée.

Nous connaissons ces revirement de l’opinion publique. Tels brasseurs d’affaires du Nouveau Monde subissent le sort de nos rois, et les révolutions ont les mêmes causes, passent par les mêmes phases. Là-bas comme ici, la popularité ne repose ni sur le véritable mérite personnel ni même sur de sérieux services rendus ; tout dépend du succès ou d’un échec : choléra, cyclone, disette, voilà les crimes étrangers à sa volonté qui décident de la chute d’un leader, quand l’heure est venue.

Ce récit des vicissitudes d’Atherton, homme et ville, a presque une valeur historique. Il semble que pour tracer ces pages vigoureuses il faut être homme, de même qu’il faut être mère pour disposer des trésors de tendresse qui débordent dans l’Hypothèque sur Jeffy, cette nouvelle édition du problème que trancha jadis le jugement de Salomon. Octave Thanet n’est pourtant ni l’un ni l’autre, pas plus qu’elle n’est catholique, quoiqu’elle ait peint d’un pinceau vraiment orthodoxe et bien informé jusqu’au scrupule l’inoubliable figure de ce bon pasteur, si simple et si charitable, le Père Quinaillon. Mais elle possède le don qui permet d’être cela et autre chose encore, d’être tout à la fois, parce que, grâce à lui, on peut tout comprendre et tout sentir, le don, — rare à ce degré, — d’une large sympathie.


Peut-être ce que je viens de dire d’elle et de son œuvre suffit-il à expliquer le désir que j’eus de la connaître davantage dans un moment où je cherchais à me renseigner sur les femmes éminentes qu’a produites l’Amérique. Au cours de la correspondance qui s’établit entre nous, je découvris un côté nouveau de son talent, une verve épistolaire délicieuse, jaillissant de source, sans